La lactation a été induite par un traitement entamé trois mois avant la naissance et a permis une production équivalente à la moitié des besoins d’un nourrisson de cinq jours.
L’histoire est peu banale et a fait l’objet d’une communication dans le numéro de janvier de la revue Transgender Health. Un traitement médical a permis à une femme transgenre d’assurer l’allaitement maternel du nouveau-né auquel sa compagne a donné naissance. Cette dernière ne souhaitait pas allaiter elle-même l’enfant. Les deux médecins qui ont permis d’induire cette lactation, Tamar Reisman et Zil Goldstein (Center for Transgender Medicine and Surgery et hôpital Mount Sinai, New York), décrivent la procédure utilisée pour ce résultat, modeste quantitativement, mais normal sur le plan fonctionnel.
Agée de 30 ans, la femme transgenre, qui n’avait subi aucune chirurgie de réattribution sexuelle (pas de plastie mammaire, d’ablation des testicules ou de vaginoplastie), s’est présentée au centre où exercent les deux praticiens afin de réaliser son projet d’allaiter l’enfant qui allait naître dans les mois suivants. Depuis 2011, cette femme suivait un traitement hormonal féminisant associant un diurétique, la spironolactone, qui bloque la production d’androgènes (hormones masculines), de l’estradiol et de la progestérone (hormones féminines). Les médecins précisent que cette femme était en bonne santé et présentait des seins développés conformément à la norme pour une femme adulte (stade V de la classification de Tanner).
Le schéma d’induction d’une lactation en dehors d’un contexte de grossesse qui a été appliqué suit quatre étapes : prise à doses croissantes d’estradiol et de progestérone jusqu’à des niveaux comparables à ceux de la grossesse ; recours à une substance favorisant la sécrétion de lait afin d’accroître les niveaux de prolactine (hormone sécrétée par l’hypophyse qui stimule la lactation après l’accouchement) ; utilisation d’un tire-lait, susceptible d’élever les niveaux des hormones favorisant la lactation ; enfin, réduction des doses d’estradiol et de progestérone, afin de mimer ce qui se produit après l’accouchement.
Mises en garde
Dans ce cas précis, la dompéridone a été le médicament utilisé pour favoriser la sécrétion de lait lors de la deuxième phase. Commercialisé sous le nom de Motilium ou sous forme de génériques, ce médicament apparenté aux neuroleptiques a comme indication la prévention des nausées, mais fait l’objet d’un usage détourné pour favoriser la lactation. Cependant, tant aux Etats-Unis qu’en Europe, les risques d’effets secondaires cardiaques graves (troubles du rythme pouvant entraîner le décès) ont suscité des mises en garde contre ce détournement ou le retrait des formes fortement dosées. La patiente transgenre se procurait directement la dompéridone au Canada.
Au bout de trois mois de traitement – deux semaines avant la naissance de l’enfant –, la femme produisait 227 g de lait par jour (sachant qu’un nouveau-né de cinq jours en consomme quotidiennement quelque 500 g). Les qualités nutritives de son lait n’ont pas été analysées. Mais elle a pu assurer un allaitement au sein exclusif durant six semaines, avant de le combiner à un allaitement artificiel. Le bébé s’est parfaitement bien développé. L’équipe médicale espère optimiser ce protocole pour permettre à d’autres femmes transgenres de réaliser leur souhait d’allaiter.
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