22 février 2018
J’ai toujours (naïvement) pensé que l’art brut (celui des personnes atteintes de souffrances mentales et hospitalisées) était assez peu en prise sur le monde. Il me semblait que, si le cri que nous entendions en regardant ces oeuvres traduisait non seulement un symptome médical, mais questionnait aussi la place de la « folie » dans la société, si des questions religieuses y étaient fréquemment soulevées, mais plus d’un point de vue mystique qu’écclésial, sa dimension proprement politique était par contre assez rare. Loin d’être un expert en la matière, je ne vois guère d’artistes bruts ayant dénoncé le capitalisme (ou le communisme, ou le nazisme ou le fascisme ou le sionisme ou un isme quelconque) de manière frontale [correction : c’est aussi le cas de Janko Domsic, à sa manière].
C’est pourquoi la dernière découverte de l’infatigable explorateur de l’art brut Christian Berst (dans sa galerie jusqu’au 3 mars) m’a surpris. John Ricardo Cunningham, péruvien d’ascendance écossaisse, fils de bonne famille souffrant de schizophrénie et interné pendant quasiment toute sa vie adulte, a peint de nombreuses gouaches dont la forme, le dessin, les couleurs rappellent fort celles de Carlo Zinelli, mais avec des thèmes assez différents. Si l’on retrouve bien chez Cunningham Dieu et le Diable, personnages constants des artistes bruts aux prises avec leur vision morale du monde, il est plus surprenant d’y découvrir une dénonciation de l’impérialisme américain, avec une brochette d’officiels (humains ou aviaires) en frac et haut-de-forme, qualifiés ici d’oligarques et là de bolcheviques. Un thème récurrent chez Cunninghma est la dénonciation du génocide : sans doute non pas la Shoah, mais l’extermination des Amérindiens (comme pourraient le laisser à penser les lamas ci-dessus).
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