La formation des futurs neurologues et psychiatres nécessite des évolutions, estime l'Académie de médecine. Elle propose notamment la réouverture d'une formation transversale de neuropsychiatrie ou encore le suivi de stages ad hoc. Les syndicats de praticiens dénoncent l'insuffisante part donnée au secteur pour les terrains de stage.
Un fossé s'est créé entre neurologie et psychiatrie au cours des trente dernières années, souligne l'Académie nationale de médecine dans une communication publiée le 17 février. Mais "telles qu'élaborées en 2017" (lire notre dossier), la maquette de formation au diplôme d'études spécialisées (DES) en neurologie et celle du DES en psychiatrie "indiquent une prise en compte des liens entre neurologie et psychiatrie sans proposition suffisamment concrète pour corriger ce fossé". Or ces deux spécialités doivent développer des connaissances et des compétences partagées pour la prise en charge des patients et la conduite de recherches dans le champ des neurosciences, rappellent les académiciens. Elle recommande donc la réouverture d'une formation spécialisée transversale (FST).
Majorité de stages hospitaliers HU
L'académie juge en préambule "regrettable que la durée du DES de neurologie et de celui de psychiatrie soit maintenue à quatre ans alors que vingt-trois pays européens exigent une durée de formation de cinq ans pour l'accès à la qualification" en neurologie et psychiatrie, "ce qui correspond au vœu exprimé par l'Union européenne des médecins spécialistes". Elle rappelle le manque de formateurs en France : 120 enseignants en neurologie pour 500 étudiants et 120 en psychiatrie pour 2 000 étudiants, avec plusieurs facultés sans enseignant en psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent (PEA, lire notre article). "Il importe que les capacités de formation en région soient prises en compte pour réguler les niveaux régionaux de numerus clausus dans chacune des spécialités", recommande l'académie. Et les stages hospitaliers "doivent pouvoir être majoritairement effectués en milieu hospitalo-universitaire (HU) pour les futurs neurologues comme pour les futurs psychiatres". De plus, les futurs neurologues doivent "pouvoir effectuer un stage en psychiatrie en milieu HU et les futurs psychiatres [...] un stage en neurologie en milieu HU".
Par ailleurs, l'obligation de deux semestres de stage en pédopsychiatrie pour les étudiants qui n'ont pas choisi de s'orienter vers une qualification en PEA "n'est pas justifiée", poursuit-elle. Il conviendrait "au contraire de conditionner l'accès aux postes hospitaliers de PEA par au moins deux ans de stage" dans cette spécialité, "dont un au moins en milieu HU, à l'instar de ce qui est exigé ailleurs en Europe". En outre, un semestre en neuropédiatrie "devrait être fortement recommandé".
Stages en ville recommandés
L'académie juge aussi que l'organisation de stages en cabinet de ville "serait très opportune". Cette formation durant les troisième et quatrième années "chez des maîtres de stage agréés par le coordonnateur [régional] de la spécialité auraient plusieurs avantages". En premier lieu, développe-t-elle, elle permettrait de "rendre lisible la réalité de l'exercice libéral ambulatoire" pour les futurs spécialistes mais aussi de consolider les liens entre médecine spécialisée de ville et hospitalière. Elle estime en conséquent qu'un stage chez le praticien d'exercice libéral de leur spécialité doit être organisé pour chacun des futurs spécialistes en neurologie ou en psychiatrie.
Mais pour les syndicats de praticiens hospitaliers (PH) publics, il ne faut pas oublier les nombreux terrains de stage offerts par la psychiatrie de secteur. Ils alarment en effet sur le fait que les internes seraient privés, selon eux, d'une grande diversité de stages, depuis la récente réforme du troisième cycle des études médicales. Ainsi, dans un communiqué commun le 15 février, les représentants de l’Intersyndicale nationale des praticiens hospitaliers (INPH), de la Coordination médicale hospitalière (CMH), de l’Intersyndicale de la défense de la psychiatrie publique (Idepp) et du Syndicat des psychiatres d’exercice public (Spep) jugent "inacceptable" la situation actuelle de "monopole de la formation des internes en psychiatrie".
Le secteur actuellement sacrifié ?
Depuis la récente réforme, "nous observons un phénomène grave et inquiétant : les commissions de qualification des ARS présidées par des universitaires réduisent de manière conséquente le nombre d’agréments accordés aux services de psychiatrie de secteur", affirment les syndicats. Ceci aussi bien pour "les internes "ancien" ou "nouveau" régime". Pire encore, dénoncent-ils, les commissions "ne mettent plus au choix les postes d’interne dans les services de psychiatrie de secteur, même quand ces derniers ont obtenu leur agrément".
Cette situation est "doublement pénalisante", poursuivent-ils, puisque d'une part les internes ne peuvent accéder à des formations et une expérience clinique et thérapeutique dans des domaines et structures comme les centres médico-psychologiques (CMP), les urgences psychiatriques, la réhabilitation psycho-sociale, les hôpitaux de jour, les soins aux détenus, les psycho-traumatismes des attentats, la prévention du suicide, etc. Selon les syndicats de PH, "les établissements hospitaliers sont moins connus et par conséquent les jeunes praticiens y postuleront moins, ce qui va entraîner une paupérisation de notre personnel médical et affaiblira le maillage territorial". Ils se disent en conséquent prêts à œuvrer, en coopération avec les ARS et les conférences des présidents de commission médicale d'établissement (CME), pour "établir une équité" dans la formation des internes en psychiatrie.
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