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lundi 20 février 2017

L'AP-HP est pour la 3e fois condamnée pour refus de protection fonctionnelle à une neurologue

C'est la troisième fois que l'AP-HP se voit reprocher par la justice administrative son refus d'accorder la protection fonctionnelle à une neurologue de son hôpital Henri-Mondor. Et cette fois, c'est le Conseil d'État qui a tranché. Sa décision est tombée début février avec 12 000 euros de préjudices moral et de carrière à la clé pour harcèlement.
Par le biais d'une décision (n° 400909) rendue le 8 février, le Conseil d'État a donné raison à une neurologue de l'hôpital Henri-Mondor de Créteil (Val-de-Marne), rejetant le pourvoi de l'Assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP) et enjoignant par conséquent le CHU francilien à lui accorder la protection fonctionnelle. Pour les magistrats, aucun des moyens soutenus par l'AP-HP n'est de nature à permettre l'admission de sa demande. Concrètement, la plus haute juridiction administrative confirme donc l'arrêt rendu le 1er juin 2016 par la cour administrative d'appel (CAA) de Paris (lire notre article). Au passage, le CHU va également devoir verser 12 000 euros à son praticien pour préjudices moral et de carrière, ceci à cause des "faits de harcèlement moral" dont elle a été victime et du refus de l'AP-HP de lui accorder la protection fonctionnelle.

Un médecin cantonné à des tâches subalternes

Les faits remontent à plus de dix ans maintenant, peu ou prou dès l'arrivée à l'été 2006 de la neurologue dans le service d'histologie, d'embryologie et de cytogénétique d'Henri-Mondor. Dès son recrutement, celle-ci a en effet indiqué à ses responsables qu'elle ne partageait pas leur thèse menée sur une maladie neuromusculaire sujette à controverses, ce qui a provoqué "des manifestations d'hostilité chroniques de ces derniers à son égard". Outre ce "profond différent scientifique et éthique", l'intéressée s'est vue attribuer "un local de consultation en dehors du service, dans les locaux de celui de médecine physique et de réadaptation situés au troisième sous-sol de l'hôpital". Se surajoutent à cela : des rapports "conflictuels" et une ambiance "délétère" entre les différents personnels des services se partageant ces locaux ; des modifications fréquentes et impromptues des plannings, ainsi que des demandes de remplacements tardives adressées "essentiellement" à la neurologue et de manière "inopinée et peu courtoise".

Mais les difficultés ne s'arrêtent pas là. Ses supérieurs l'ont ainsi "cantonnée dans certaines tâches subalternes au regard de sa qualification et [...] exclue sans justification de plusieurs travaux valorisants". Par exemple, la réalisation de photographies de biopsies étaient inégalement réparties entre les différents praticiens à son détriment. Et quand elle parvenait à en réaliser, son nom n'était jamais mentionné lors des présentations. Enfin, "le travail d'interprétation [...] ne lui était jamais proposé" et plusieurs de ses articles ont sciemment été écartés de la liste des publications, excepté ceux corédigés avec l'un de ses supérieurs. À son retour de maternité début 2009, la neurologue constate qu'en son absence ses plages de consultations ont été "réduites de trois demi-journées à une seule, fixée le même jour que celui de la réalisation de biopsies". Et, en septembre suivant, sa hiérarchie refuse la proposition faite par le chef de service de neurologie de la prendre sous son aile et de quitter donc l'histologie. À plusieurs reprises avant ou après cette date, son supérieur a pourtant clairement manifesté son regret de ne pas la voir quitter son service, l'invitant à démissionner ou tout le moins à demander sa mutation.

Des conditions de travail qui évoquent le harcèlement

Conséquence de ces faits : "un syndrome anxiodépressif ayant justifié un suivi psychiatrique", voire "une asthénie majeure en rapport avec un état dépressif sévère réactionnel à une situation délétère au travail". Dès la mi-2012, un arrêt de travail stipule également noir sur blanc que ces "conditions de travail évoquent le harcèlement". Face à cela, l'AP-HP refuse systématiquement à la neurologue sa demande de protection fonctionnelle, exprimée la première fois en février 2013 faute de s'être vu proposer la moindre solution par la direction d'Henri-Mondor ou la présidence de la commission médicale d'établissement (CME) locale. Au contraire, l'AP-HP voit comme unique origine aux dysfonctionnements dénoncés par la médecin un désaccord sur le terrain médical avec sa hiérarchie, son refus de se conformer à certaines tâches et son absence à des réunions de service. Si bien qu'à défaut de protection fonctionnelle, le CHU lui accorde en 2013 un transfert partiel dans le service de neurologie mais qui implique le maintien de la neurologue à mi-temps sous l'autorité de son ancien chef de service.

En première instance le 16 avril 2014, le tribunal administratif de Melun avait déjà donné raison à l'intéressée et donc tord à l'AP-HP. En revanche alors, aucun préjudice financier n'était réclamé au CHU francilien contrairement aux 12 000 euros signifiés par la CAA.
Thomas Quéguiner
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