Diffusée en prime-time sur France 5 ce 15 novembre, cette enquête bouleversante met au jour une réalité britannique impensable : le retrait arbitraire d’enfants à leur parents pour répondre aux quotas d’adoption fixés par l’Etat. Edifiant.
Le documentaire s'ouvre sur une scène à peine croyable. Filmée sur un ferry en partance pour la Normandie, Bethany, 22 ans, enceinte, fuit l'Angleterre pour avoir une chance d'élever son premier enfant. Parce qu'elle a été fragilisée, six ans auparavant, par le suicide de sa sœur aînée, les services sociaux britanniques ont menacé de lui retirer son bébé à la naissance pour « probabilité de maltraitance » future. On se croirait dans un épisode de la glaçante série Black Mirror. Pourtant, Bethany est loin d'être un cas isolé. Les réalisateurs Stéphanie Thomas et Pierre Chassagnieux ont aussi suivi Colin et Claire, un jeune couple défavorisé qui perçoit l'aide sociale et affronte la maladie de Claire, épileptique. Lors d'une échographie, au cinquième mois de grossesse, elle est signalée par son médecin aux services sociaux, et reçoit leur conclusion quelques semaines plus tard. Le couple représenterait un risque de « maltraitance émotionnelle » et de « négligences » pour leur futur enfant… La caméra suit avec tact les six mois d'angoisse qui mèneront au verdict de la justice : leur bébé leur sera-t-il définitivement retiré et adopté ?
« Pendant nos deux années de travail préparatoire, nous nous sommes heurtés à l'incrédulité de nos proches et aux regards interdits des chaînes, qui pensaient que c'était impossible », commente Eric Colomer, producteur du documentaire. Tout découle du Children act, une loi adoptée en 1989 par Margaret Thatcher, qui donne la possibilité aux services sociaux de retirer leur(s) enfant(s) à des couples soupçonnés de maltraitance ou de maltraitance future. Ces décisions touchent aussi bien des familles établies, dont les enfants semblent présenter des signes de maltraitance psychologique, physique ou émotionnelle, que des couples en attente d'enfant, qui « risqueraient » d'être de mauvais parents car trop pauvres, trop malades, trop fragiles… Pour traiter de cette politique impensable, « il nous fallait un principe de narration qui rende les faits irréfutables, explique Eric Colomer. Nous avons choisi de suivre des hommes et des femmes qui n'ont jamais eu d'enfants, qui n'ont jamais pu être maltraitants, et qu'on décrète pourtant par avance incapables d'être parents. Beaucoup de nos interlocuteurs dans les chaînes souhaitaient que nous ne suivions que des familles à qui on enlevait des enfants en temps réel. Nous étions persuadés que cela ne permettait pas de documenter la réalité de la justice : sans recul, sans enquête, nous pouvions nous-mêmes avoir un doute, ne pas être sûrs qu'il y avait injustice. Il fallait donc aussi des histoires au passé, qui prouvent de manière incontestable l'innocence de parents à qui on a enlevé les enfants. »
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