Pendant la procédure anesthésique, les smartphones peuvent être convertis en oxymètre de pouls ou en stéthoscope, évaluer les fonctions neuromusculaires, maintenir précisément le décubitus latéral gauche à 15° pendant la césarienne, mesurer la douleur et diagnostiquer des arythmies cardiaques. Ils peuvent également envoyer un patient ad patres et un anesthésiste à l’ombre pour «distraction fatale » (1).
Pour autant, passer son temps au téléphone pendant une anesthésie expose t-il à passer pour la tête de Turc du service ou bien fait-il risquer de passer la Porte Ottomane à son patient ?
L’anesthésie : « Des heures d’ennui ponctuées de moments de terreurs » (Slagle et al. 2009)
En novembre et décembre 2015, 955 médecins et des infirmiers anesthésistes turcs (2) ont répondu à un questionnaire sur l’utilisation de leur smartphone pendant la procédure anesthésique : 34 % d’infirmiers anesthésistes, 32,5 % d’anesthésistes juniors en formation, 26,2 % d’anesthésistes seniors et 7,1 % enseignants d’anesthésie à la faculté. Le taux de réponse au questionnaire envoyé par courriel a été de 22 % (600 réponses) et de 19 % lors d’un congrès national (355 réponses).
Au total, 98,5 % des répondants possédaient un smartphone. Il n’y avait aucune restriction à leur utilisation pendant l’anesthésie dans leur institution dans 73,6 % des cas, une interdiction (7,1 %) et une limitation à l’utilisation seule des téléphones de l’institution (19,2 %) pour d’autres ; 542 (56,9 %) avaient entre 20 et 30 ans, 283 (29, %) entre 31-40 ans, 116 (12,2 %) entre 41-50 ans, 9 (0,9 %) entre 51-60 ans et 3 plus de 60 ans.
Même plus le temps de prendre de café (turc)
Finalement 93,7 % ont reconnu utiliser leur téléphone pendant l’anesthésie : conversations téléphoniques (65,4 %), messagerie (46,4 %), media sociaux (35,3 %), surf sur l’internet (33,7 %). Les plus de 40 ans employaient moins souvent leur smartphone que les plus jeunes pendant l’anesthésie (p = 0,11).
Mais rassurez-vous et surtout tentez de rassurer vos patients, 96,7 % des répondants ont précisé ne pas utiliser leur téléphone ou très peu pendant les phases critiques de l’anesthésie et 87,3 % ont juré leurs grands dieux que cela ne les distrayait nullement de leurs obligations.
Toutefois, force est de constater que la profession ne fait pas bloc, car 41 % de sombres délateurs branchés ont déclaré avoir vu leurs collègues en difficulté car distraits par leur téléphone au moins une fois. Cherchez l’erreur !
Autre temps, autres nurses
Outre que ces nouvelles pratiques ne laissent plus que peu de temps aux anesthésistes pour assurer la maintenance préventive et curative des cafetières du bloc, elles introduisent une profonde injustice entre anesthésistes et chirurgiens qui ont les mains dans le cambouis. A moins qu’une prochaine étude randomisée en double sourd, ne lève le voile…
Pour autant, les auteurs soulignent que des associations telles que l’American College of Surgeons et l’American Association of Nurse Anesthesists ont émis des recommandations sans pour autant demander de jeter ces merveilleux instruments aux toilettes (à la turque) ou de procéder à une vaste purge dans les blocs.
Dr Bernard-Alex Gaüzère
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire