Une équipe de scientifiques chinois a utilisé la technologie Crispr-Cas9, pour la première fois, afin d’altérer les gènes d’un être humain, annonce la revue Nature. Son but : tenter de soigner un homme atteint d’un cancer des poumons en modifiant l’ADN de certaines de ses cellules immunitaires. C’est la dernière expérience en date associée à cette nouvelle technique, dont le Graal est la modification de l’ADN des enfants à naître, possibilité qui pose des questions éthiques majeures. L’une des découvreuses de la technologie, Jennifer Doudna, a d’ailleurs appelé la communauté scientifique à ne pas jouer les apprentis-sorciers.
Mais serait-ce vraiment jouer les apprentis-sorciers ? Non, répond le philosophe Philip Kitcher dans The Lives to Come. A ses yeux, il ne faut pas craindre le pouvoir que nous avons désormais de modifier certains gènes « défectueux » sur l’embryon. L’eugénisme est condamnable s’il est pratiqué par un Etat ou un groupe agissant notamment pour le développement de certaines caractéristiques raciales ; il ne l’est pas en soi. Kitcher imagine un « eugénisme utopique », permettant aux futurs parents de choisir librement et en connaissance de cause le génie génétique pour maximiser les chances de « bonne vie » de leur enfant. D’accord pour estimer que l’eugénisme n’est pas intrinsèquement mauvais, le chercheur en bioéthique Erik Parens invite à en aborder les limites dans des termes familiers à tous les parents, écartelés entre l’obligation de modeler leur enfant et le devoir de l’accepter tel qu’il est. Vieux dilemme. Au nom de l’épanouissement futur de l’enfant, ses parents ont l’obligation morale de le façonner : l’apprentissage de la discipline à la maison, la transmission des coutumes familiales et l’instruction sont conçues pour cela. L’usage de la technologie peut servir ce but, soutient Parens, pour qui les craintes d’une dérive nazie sont infondées. Mais prenons garde à ne pas négliger alors l’autre devoir des parents : l’acceptation de l’enfant. Car plus nous consacrons de temps à essayer de fabriquer l’être parfait, moins nous en consacrons au fait de l’admettre tel qu’il est.
En savoir plus : Jusqu’où peut-on façonner son enfant, Books, juin 2016 ; Le nouvel eugénisme, Books, juin 2016.
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