Les médecins néerlandais peuvent depuis 2002 interrompre la vie d’un patient lorsqu’ils constatent une « souffrance insupportable et incurable ». Certains souhaitent intégrer à la loi la notion de « vie achevée ».
Le gouvernement néerlandais a déposé il y a quelques jours un projet de loi visant à autoriser les personnes âgées – même si elles ne sont pas souffrantes – à mettre fin à leurs jours, avec une assistance extérieure. Le texte, qui devrait obtenir l’appui du Parlement, est, selon des enquêtes, approuvé par une majorité de la population.
La notion de « vie accomplie » ou « achevée » (voltooid leven) qui pourrait être invoquée par les demandeurs fait l’objet d’intenses débats au sein de la société néerlandaise depuis vingt-cinq ans. La discussion a été lancée en 1991 par un juriste, Huib Drion. Dans un essai retentissant, il plaidait pour qu’un médicament soit dispensé en toute légalité aux personnes âgées désireuses de mourir. Une ministre de la santé, Els Borst, membre du parti réformateur D66, tenta, en vain, de traduire cette idée dans les faits.
En 2002, les Pays-Bas adoptaient une loi qui écartait l’idée de « vie accomplie ». Elle prévoyait, en revanche, la possibilité d’une euthanasie dès lors que deux médecins constataient « une souffrance insupportable et incurable », physique ou mentale. Quelque 5 300 Néerlandais ont bénéficié d’une euthanasie en 2014. Près de 3 900 souffraient d’un cancer incurable, 81 de démence, 41 d’une affection psychiatrique grave...
« Compassion » de l’Etat
La mobilisation s’est toutefois poursuivie et le débat a rebondi en 2008 après le procès intenté à Albert Heringa, qui avait administré une substance mortelle à sa mère âgée de 99 ans. Elle avait manifesté le désir de mourir avant d’être atteinte d’une affection. Un tribunal a condamné M. Heringa mais ne lui a infligé aucune peine, estimant qu’il avait agi par « charité ». Une cour d’appel a décrété l’abandon des poursuites et un arrêt définitif de la Cour de cassation est attendu.
Pendant ce temps, diverses organisations militaient pour l’inclusion dans la loi du droit de mourir pour les personnes âgées. En 2014, le gouvernement mandatait une commission pour examiner cette question ; elle était chargée de déterminer si les conditions juridiques permettant une euthanasie devaient être étendues. Composée de médecins, de philosophes, de juristes, et présidée par un sociologue et sénateur, Paul Schnabel, elle a conclu, en février, que la notion de « vie accomplie » ne pouvait être retenue. Les experts estimaient que la loi de 2002 ouvrait des possibilités suffisantes aux personnes désireuses d’être euthanasiées et disaient craindre l’influence de certaines familles sur des personnes âgées, et donc souvent fragilisées.
Le gouvernement de coalition, dirigé par le libéral Mark Rutte, a toutefois finalement décidé de passer outre. Le projet, déposé par les ministres de la santé, Edith Schippers, et de la justice, Ard van der Steur, entend reconnaître le droit de mourir aux personnes âgées pour lesquelles« la vie est une souffrance ».
« La compassion n’est pas seulement la tâche des médecins, l’Etat aussi doit faire preuve de compassion », ont écrit dans une lettre aux députés les deux responsables, membres du Parti populaire pour la liberté et la démocratie (VVD) du premier ministre. Les ministres insistent également sur la nécessité de prévenir certains suicides, qui surviennent aujourd’hui dans des circonstances tragiques.
Craintes d’abus
Les personnes âgées qui auront le désir « cohérent et délibéré » de mettre fin à leurs jours bénéficieront de l’aide nécessaire, fournie par des « assistants » dont le statut n’est pas encore clairement précisé. Pas plus que l’âge à partir duquel une demande pourra être formulée – sans doute 75 ans. Le gouvernement doit aussi fixer la liste des critères auxquels devra répondre une demande. A l’heure actuelle, il précise seulement que les familles seront associées au processus, mais ne pourront y jouer un rôle déterminant.
Le projet divise les spécialistes. Certains continuent de redouter des abus, ou le fait que des personnes âgées choisiraient de mourir simplement pour ne plus être une charge pour leurs proches. Sur le plan politique, les opposants sont minoritaires. L’un d’eux, Kees van der Staaij, leader du Parti politique réformé (SGP, chrétien fondamentaliste), estime qu’il faudra désormais faire en sorte que des personnes âgées « n’aient pas à se défendre du fait d’être encore en vie ».
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