Elle avait prévenu : «Ce qui va se passer risque d’être très très choquant. S’il y a des gens qui sont mineurs, ne restez pas.» Océane avait 19 ans. A 16 h 30 mardi, elle s’est jetée sous le RER C à la gare d’Egly (Essonne) en se filmant en direct avec son téléphone sur Periscope, cette application de vidéos instantanées. Un suicide en live, avant que l’écran ne devienne noir.
De cette jeune femme passée à l’acte on ne sait pas encore grand-chose. Certains de ses proches ont évoqué un «profil psychologique fragile». Avant de mettre fin à ses jours, Océane a envoyé un SMS à un ami de son ex-compagnon dans lequel elle évoque «des violences et un viol» que celui-ci lui aurait fait subir, a déclaré le procureur d’Evry, Eric Lallement, avant d’ajouter que «l’audition de cette personne est en cours».
Moyens violents
Un fait divers ? A l’évidence. Mais un fait divers qui pose des questions (lire ci-contre) et demande une mise en contexte. Tous les jours, selon les enquêtes de l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale), deux à trois jeunes de moins de 25 ans mettent fin à leurs jours. Deuxième cause de mortalité chez les jeunes après les accidents de la route, le suicide affiche tous les ans un triste bilan qui va de 600 à 1 000 décès. Le plus souvent des garçons (trois pour une fille), qui utilisent majoritairement des moyens violents : 70 % se suppriment par pendaison ou arme à feu. Viennent ensuite ceux qui se précipitent vers la mort à bord d’un véhicule ou en se jetant contre eux.
La mort d’Océane est de ce point de vue singulière, comme l’analyse Xavier Pommereau, chef du pôle aquitain de l’adolescent au CHU de Bordeaux, qui vient tout juste de publier un ouvrage intitulé le Goût du risque à l’adolescence (Albin Michel). Selon lui, «il y a davantage de décès chez les garçons car ils utilisent des méthodes plus radicales, quand les jeunes femmes ont davantage recours à l’intoxication médicamenteuse. En revanche, parmi les 40 000 à 50 000 tentatives de suicide des moins de 25 ans tous les ans, on dénombre trois filles pour un garçon, énonce Xavier Pommereau. Les jeunes hommes ont davantage tendance à tenter de sortir de leur souffrance par des actes antisociaux, de vandalisme par exemple, alors que les jeunes filles et jeunes femmes intériorisent davantage et cherchent à se faire du mal».
Sans se livrer à de la psycho ou de la socio de bazar sur un triste fait divers, le psychiatre note que la victime a évoqué «un viol». «Hors les cas des maladies mentales, comme la schizophrénie, qui peut conduire à un suicide, la grande cause de suicides reste les violences sexuelles subies. Dans mon service, parmi ceux qui ont tenté de se suicider cela concerne une jeune fille sur trois, et un garçon sur sept. Les abus ont eu lieu le plus souvent dans l’enfance, par un proche. Cela peut pulvériser l’identité de quelqu’un.» Et les ruptures sentimentales, comme celle que suggère Océane dans les vidéos qu’elle a diffusées avant sa mort ? «Ce sont souvent des causes superficielles qui en cachent d’autres.»
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