Coline Garré 09.05.2016
Que ce soit en termes d'entrée et de séjour, ou d'accès aux droits fondamentaux, le Défenseur des droits (DDD) s'inquiète du sort consacré aux étrangers malades en France, dans son dernier rapport thématique mis en ligne ce 9 mai.
Refus d'admission pour soins en augmentation
Les services de Jacques Toubon épinglent d'abord des pratiques illégales dans l'accès aux titres de séjour pour soins (ouvert en 1998, restreint en 2011, et revu dans la loi du 7 mars 2016 qui introduit la notion d'accès effectif à un traitement approprié).
Ces pratiques illégales interviennent à plusieurs instants de la procédure : dès l'accueil (matériel) en préfecture, puis dans les documents demandés. Au stade de l'instruction du dossier, les malades étrangers se heurtent à des refus de délivrance de récépissés, tandis qu'au terme de l'instruction, le DDD constate des refus d'admission au séjour en augmentation depuis 2012, en dépit de l'avis favorable rendu par le médecin de l'agence régional de santé (MARS) ou à Paris, du service médical de la préfecture de police.
La lutte contre la fraude, plus que la santé
Le DDD déplore des stratégies déployées par l'administration pour découvrir la pathologie de l'intéressé qui viennent court-circuiter l'avis et les prérogatives du MARS.
Ainsi, certaines préfectures lancent des contre-enquêtes administratives, en prenant attache avec les ambassades des pays d'origine, pour confirmer l'absence effective des traitements appropriés, notée par le MARS. D'autres vont jusqu'au contentieux, ce qui permet la levée du secret médical.
Le DDD souligne que le transfert des compétences des MARS aux médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) « consacre la tendance à faire primer des considérations liées à la maîtrise de l'immigration sur celles liées à la protection de la santé »et dénonce une reprise en main du ministère de l'Intérieur, parallèlement à un désengagement du ministère de la Santé. Il demande notamment à Ségur de renvoyer aux médecins de l'OFII les instructions du 11 novembre 2011 sur l'absence de traitement contre le VIH dans les pays en voie de développement et rappelle qu' « en aucun cas il n'appartient aux services préfectoraux de se substituer aux médecins pour procéder à l'évaluation médicale ».
Revoir la dualité PUMa/AME et la dotation précarité des hôpitaux
Le DDD déplore la fermeture du régime général de Sécurité sociale à l'égard des étrangers en situation irrégulière depuis la loi de 1993 (qui fait du titre de séjour une condition sine qua non). La protection universelle maladie (PUMa) créée par la loi de financement de 2016 pérennise leur marginalisation, lit-on, car elle ne revient pas sur la spécificité de l'aide médicale d'État (AME). Ainsi priment encore des considérations de politique migratoire reposant sur des craintes infondées, dénonce le rapport.
Épinglant des pratiques divergentes, parfois illégales des caisses primaires d'assurance-maladie (CPAM), le Défenseur des droits demande à la Marisol Touraine et à la CNAM de rappeler aux CPAM leurs obligations de célérité et les règles d'admission des ressortissants communautaires à l'AME.
Pour simplifier les démarches administratives, en particulier des professionnels de santé, le Défenseur des droits réitère sa recommandation de fusion des dispositifs PUMa/AME. Quant aux hôpitaux, il plaide l'augmentation de la compensation financière versée au titre de la MIG« précarité ».
Pour les étrangers en situation régulière, le rapport constate un accès à l'assurance-maladie fragilisé par la PUMa, notamment parce qu'elle supprime la notion de maintien de droits, qui permettait de jouir de ses droits un an après la perte d'une des conditions les ouvrant (par exemple, le titre de séjour). « Dans un contexte de précarisation du droit au séjour, cette modification exposera plus fortement au risque d'une rupture de droits à l'assurance-maladie les étrangers ayant un titre de séjour de très courte durée », relève le DDD.
Lutter contre les refus de soins
Enfin, le rapport dénonce les refus de soins discriminatoires, à raison de la nationalité ou fondés sur le type de protection maladie. Il recommande que les fédérations publiques et privées (FHP, FHF, FEHAP) rappellent les règles en matière d'accès aux soins des étrangers, et notamment le fait qu'ils ne doivent pas se substituer aux CPAM en contrôlant le droit au séjour de patients étrangers et à Ségur, associé aux Ordres, de lancer une campagne d'information à destination des professionnels libéraux pour les sensibiliser à la notion de refus de soins.
Le Défenseur des droits s'alarme en particulier des refus d'IVG opposés à des femmes étrangères démunies et sans droits ouvrables dont il a été saisi, et rappelle l'existence du dispositif « soins urgents et vitaux ».
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