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lundi 16 mai 2016

Hiam Abbass : « Le père, dans une famille arabe, c’est immense ! »

LE MONDE | Propos recueillis par Annick Cojean
Hiam Abbass en 2007.
Hiam Abbass en 2007. TOBIAS SCHWARZ/REUTERS
Je ne serais pas arrivée là si…
Si je n’avais pas eu mon père.
Ce père-là.
Mon père ! Qui est décédé il y a peu de temps. C’est drôle que votre question surgisse à ce moment précis de ma vie. Je ne suis pas quelqu’un qui ressasse, mais cette mort m’a obligée à repenser à tout ce que je lui devais. J’ai raté ses funérailles. Je ne suis arrivée que le lendemain dans notre village, tout près de Nazareth. J’avais envie d’aller le voir pendant qu’il était encore frais dans sa tombe. Et cela m’a anéantie. Que cet homme, pyramide de bonté envers les autres, de dureté envers ses enfants, se réduise à cela… J’ai dit à mes sœurs qui m’entouraient : Laissez-moi seule. J’avais besoin d’un peu de temps avec lui. Je n’ai pas prononcé un mot, mais je lui ai envoyé une foule de pensées. Ce que j’avais aimé et pas aimé chez lui. Ce qu’il m’avait donné et ce qu’il ne m’avait pas donné. Toutes ces contradictions dans lesquelles il m’a fait exister et qui m’ont poussée à faire ce que je fais aujourd’hui. Oui, avec certitude, là où je suis arrivée, c’est grâce à lui ou à cause de ce qu’il était.
Bonté, dureté… Ces mots s’entrechoquent. Pourriez-vous mieux le décrire ?
Sa bonté était viscérale. C’est d’elle dont il faut d’abord parler car il a beaucoup donné. Nous tous, en famille, avons d’ailleurs été surpris de l’ampleur de l’hommage qui lui a été rendu. Des témoignages sont arrivés du monde entier. Ce n’était pourtant pas un homme politique ni quelqu’un de connu. C’était un simple professeur, vice-directeur de l’école du village. Mais il avait rendu service à tout le monde et marqué, par son exigence, des générations d’enfants. On le considérait comme un sage et il participait aux négociations des mariages mixtes ou des unions suscitant la guerre entre deux familles. C’est ce qui m’avait fait penser, à 22 ans, qu’il ne s’opposerait jamais à mon projet de mariage avec mon amoureux anglais. Il n’était, certes, ni arabe-Palestinien, ni même musulman comme mes parents, mais la logique voulait que mon père me soutienne, étant donné son expérience de conciliateur. Eh bien non. Il s’est opposé. Brutalement. Obstinément. Il était habitué à mes rébellions depuis l’adolescence, mais là, je dépassais toutes les limites de l’acceptable. Il était blessé dans son orgueil.

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