LE MONDE | Par Guillemette Faure
Fliqués, surprotégés, les enfants d’aujourd’hui ont à peine le droit d’aller acheter seuls une baguette de pain. Une culture du risque zéro qui les prive de liberté et les prépare mal aux aléas de la vie.
C’est un étrange phénomène qui se répand dans certains squares. Les bancs, initialement prévus pour que les parents discutent en retrait, se vident. Les adultes restent collés au toboggan ou à l’échelle de corde. « Tu veux que je te tienne ? » « Fais attention ! » Pas question de risquer une chute, malgré le rembourrage des sols. A la tombée du jour, le square ferme, et les enfants qui jouent encore seuls dans les rues ne sont pas « autonomes » mais « livrés à eux-mêmes », sous-entendu à moitié abandonnés.
Dans beaucoup de villes, si vous croisez un enfant à vélo, soyez assuré que les parents pédalent juste à côté. Le marmot qui achète seul une baguette de pain à la boulangerie tient presque de l’image d’Epinal.
Cela n’a rien à voir avec la façon dont leurs parents ont grandi. Lenore Skenazy le sait. Elle s’est fait connaître il y a huit ans, aux Etats-Unis, après avoir publié un article dans lequel elle racontait avoir laissé son fils de 9 ans prendre le métro seul. Des caméras sont allées attendre le gamin à l’école pour lui demander comment il avait fait. Plus récemment, elle a proposé aux New-Yorkais de la payer 250 dollars de l’heure pour qu’elle ne surveille pas leurs enfants (« je les emmènerai au square et j’irai boire un café au Starbucks »). Tout cela lui a valu le surnom d’« America’s Worst Mom », « pire mère de l’Amérique ». Un titre qui lui a permis d’animer pendant un an une émission de télé-réalité – « je devais convaincre des parents de laisser leur enfant de 10 ans monter sur un vélo. »
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