Publié le 21/08/2023
Le nouveau ministre de la Santé et les urgentistes se sont interpellés ce week-end sur la situation aux urgences, les seconds accusant le premier de vouloir minimiser l’ampleur de la crise.
Les ministres changent mais les polémiques restent. Lors de son année passée avenue de Ségur, l’ancien ministre de la Santé François Braun s’est régulièrement opposé aux syndicats de médecins hospitaliers et en particulier d’urgentistes sur l’état de l’hôpital public, l’ancien urgentiste expliquant régulièrement que les mesures prises par le gouvernement depuis l’été 2022 avaient porté leurs fruits pour désengorger les urgences, tandis que les syndicats se montraient sceptiques et demandaient des mesures plus pérennes et plus ambitieuses. Alors que c’est, depuis un mois désormais, Aurélien Rousseau qui occupe le poste de ministre de la Santé, ce sont les mêmes passes d’armes qui continuent entre le nouveau titulaire du poste et les syndicats.
La polémique a démarré mardi dernier lorsque le Dr Marc Noizet, président du syndicat Samu-Urgences de France a déclaré que la situation actuelle aux urgences était « plus grave que l’été dernier », lorsque François Braun était arrivé aux responsabilités et avait mis en place les mesures de sa fameuse « mission flash », dont certaines sont toujours en vigueur. L’urgentiste a ainsi donné plusieurs exemples de services d’urgence en proie à de graves difficultés en raison du manque de personnel et obligés de limiter l’accès aux patients, notamment les nuits et les week-ends.
Aurélien Rousseau défend la régulation par le 15
Les urgences de Saint-Tropez ont ainsi dû être fermées pendant trois nuits entre le 18 et le 22 août, les hôpitaux du département de la Manche n’accueillent des patients qu’après régulation par le 15, sept SMUR ont dû être fermés à Angers pendant le point du 15 août tandis qu’à Arcachon, les médecins ont dû prendre en charge des patients sur le parking. « Il y a un danger sur le maintien de l’urgence vitale » dénonce le chef du service des urgences de l’hôpital de Mulhouse.
Des propos alarmistes qui n’ont pas plû au ministre de la Santé Aurélien Rousseau. « Je ne dirais pas que la situation est plus grave » a ainsi déclaré l’ancien directeur de l’agence régionale de Santé (ARS) d’Ile-de-France ce vendredi à France info. « L’hôpital fait face, l’organisation du système de santé est extrêmement robuste » a-t-il ajouté alors qu’il était interrogé sur les répercussions possibles de la vague de chaleur actuelle sur les urgences (voir notre article du jour à ce sujet).
Comme son prédécesseur François Braun avant lui, Aurélien Rousseau a défendu ce qui semble faire figure pour le gouvernement de solution miracle à la crise des urgences, à savoir la régulation par le 15, qui doit se transformer d’ici la fin de l’année en un véritable « service d’accès aux soins » (SAS). « Le passage par le 15 fait qu’aucun Français qui a besoin de soins n’est resté sans réponse médicale, on a réussi à avoir des hôpitaux qui restent ouverts toute la journée ou qui ne sont fermés qu’en nuit profonde après minuit, ce n’est pas satisfaisant mais c’est une modalité d’organisation qui permet de maintenir une offre de soins dans des territoires où on le pourrait plus » a ainsi défendu le ministre.
Les urgentistes demandent des actions concrètes
La réponse des urgentistes à ces propos ne s’est pas fait attendre. « Quand le ministre dit que le système est robuste, que les CHU compensent les difficultés des hôpitaux de proximité, il faut qu’il aille à Bordeaux : dans l’un des plus grand CHU de France, la situation est catastrophique » a ainsi réagit ce vendredi le Dr Christophe Prudhomme, porte-parole de l’association des médecins urgentistes de France (AMUF). Accusant le ministre de tenir des propos « lénifiants », l’urgentiste de Bobigny estime que les conditions d’accueil dégradés dans les services d’urgence sont responsables d’une hausse de la mortalité chez les patients.
Le porte-parole de l’AMUF considère également que « dans un certain nombre de centre 15, les délais de décroché sont incompatibles avec la qualité de service que l’on attend, un arrêt cardiaque ne peut pas attendre 10 minutes ». L’urgentiste demande donc au gouvernement de prendre rapidement des mesures de fond tels que la réforme de la formation, la hausse de la rémunération des étudiants et des internes, une revalorisation des gardes et un moratoire sur la fermeture des lits. « Le temps n’est plus à la parlotte, le temps est à l’action M. Rousseau » conclut-il.
Le dernier acte de cette passe d’armes a eu lieu ce matin sur BFM TV, où le ministre de la Santé Aurélien Rousseau est revenu sur la situation aux urgences. « Il n’y a absolument aucun déni de ma part, la situation de l’hôpital est extrêmement tendue et tient parce que les soignants donnent le meilleur d’eux même » a reconnu le ministre, tout en récusant à nouveau l’idée que tous les patients ne peuvent pas être pris en charge. « Sur tout le territoire, il y a une organisation qui permet de prendre en charge les risques vitaux de tous les citoyens » estime le ministre, défendant à nouveau « le travail exercé depuis un an, notamment le renforcement de la coopération entre l’hôpital et la médecine de ville et la régulation par le 15 qui permet d’adresser les patients là où ils pourront le mieux être pris en charge ».
Si la nomination d’Aurélien Rousseau comme ministre de la Santé et le départ de François Braun avait été plutôt bien accueilli par les syndicats hospitaliers, l’état de grâce du nouveau ministre est visiblement déjà terminé.
Quentin Haroche
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