Toulouse, le mercredi 16 août 2023
Alors que les services d’accueil des urgences sont en grande difficulté, les assistants de régulation médicale sont en grève, demandant une hausse des salaires et des effectifs.
Ce sont les petites mains de la médecine d'urgence : chaque fois qu'un patient appelle le 15, c'est l’un des 2 500 assistants de régulation médicale (ARM) qui décroche et l'oriente. Depuis le 3 juillet dernier, ils sont en grève pour réclamer une hausse des salaires (actuellement 1800 € brut en début de carrière) et des effectifs.
Une grève qui gagne du terrain puisque depuis ce lundi, ce sont 69 départements au total qui sont touchés par ce mouvement. Une grève également indolore car, comme les autres professionnels de santé, en cas de mouvement social, les ARM sont « généralement assignés par l'administration et donc à leur poste », explique Yann Rouet à l’AFP, co-président de l'Association française des assistants de régulation médicale (Afarm). Cette grève n'a ainsi « aucun impact sur la qualité de la réponse pour les Français ».
L’Afarm demande 800 assistants de régulation supplémentaires
Si les ARM sont en grève depuis six semaines désormais, c'est parce qu'ils ne supportent plus la pression grandissante mise sur eux. En effet, face à une crise des urgences qui s'enlise, l'exécutif mise de plus en plus sur la régulation par le 15. Pour éviter d'engorger encore plus les hôpitaux, les Français sont ainsi invités à systématiquement appeler le 15, dispositif qui se transforme petit à petit en un véritable « service d'accès aux soins » (SAS) qui doit d'ici la fin de l'année couvrir l'ensemble du territoire.
Une politique qui entraîne mécaniquement une surcharge de travail pour les ARM. Yann Rouet estime que l'activité supplémentaire cet été est de l'ordre « de 30 %, comme l'été dernier ». Dans le département de la Manche, où il est désormais obligatoire de passer par le 15 avant de se rendre aux urgences, le service est passé de 1 100 appels par jour à plus de 1 500, explique Antoine Hubert, cadre au SAMU.
« Sur le terrain, c'est compliqué, on a le même temps pour gérer les appels et pas toujours de solution à apporter, les agents sont fatigués, épuisés, certains sont clairement à bout », poursuit Yann Rouet. « Parfois, les assistants ne prennent même pas de pause, parce qu'ils font leur maximum pour éviter que les délais de réponse ne s'allongent », raconte de son côté Antoine Hubert.
Les ARM réclament notamment une prime de 100 euros mensuels, une révision de leur grille salariale et surtout l'embauche de 800 agents supplémentaires « pour travailler dans des conditions plus humaines », commente Yann Rouet. En visite au SAMU de Toulouse ce lundi, le ministre de la Santé Aurélien Rousseau a reconnu que ces revendications étaient « légitimes » et a promis d'y apporter une réponse « dans les prochaines semaines ». « Les ARM, c'est le cœur de notre système de régulation, ils ont une fonction supplémentaire qui, en quelques années, a pris beaucoup d'ampleur », a salué le nouveau ministre de la Santé.
« La situation est plus grave que l’été dernier »
Cette grève intervient dans un contexte de grave crise pour les urgences. Au cœur de l'été, de nombreux services hospitaliers, en manque d'effectifs, sont contraints de limiter leur accès, en demandant aux patients d'appeler systématiquement le 15, voire ferment leurs portes la nuit et le week-end. Pour le Dr Marc Noizet, président du syndicat SAMU Urgences de France, « la situation est plus grave que l'été dernier », notamment « parce qu'elle touche dorénavant tous les départements de France, des gros services et des petits services ».
Les zones touristiques seraient les plus touchées : le chef du service des urgences de l'hôpital de Mulhouse prend notamment l'exemple d'Arcachon, « où ils ont été obligés de mettre en place sur le parking devant l'hôpital une structure où les médecins font de la petite traumatologie pour alléger les urgences » ou de Saint-Tropez « qui a failli fermer son service d'urgences ».
Le Dr Marc Noizet évoque également plusieurs cas de SMUR fermés par manque d'effectifs. « Par exemple, autour d'Angers, ce week-end prolongé avec le pont du 15 août, sept SMUR sont fermés, or ça touche l'urgence vitale ». L'urgentiste estime que le plafonnement de la rémunération des intérimaires, mis en place en avril dernier, « a fait beaucoup de mal, même si c'était un mal nécessaire ».
Le discours est tout aussi pessimiste du côté des infirmiers. « La situation ne fait qu'empirer années après années », estime Thierry Amouroux, porte-parole du Syndicat national des professionnels infirmiers (SNPI). Le syndicaliste dénonce un cercle vicieux bien connu : les infirmières quittent l'hôpital en raison du manque d'effectif, ce qui dégrade encore plus la situation et fait d'autant plus fuir les infirmières.
« Les gens fuient parce qu'ils refusent de travailler sous-payés et en sous-effectif ; lorsqu'on est en sous-effectif, on est réduit à enchaîner des actes techniques de soins, aux dépens de ce qui est le cœur de l'activité infirmière », commente le syndicaliste, avant de rappeler ce constat alarmant : « aujourd'hui, il y a 60 000 postes infirmiers vacants dans les établissements de santé publics et privés parce que nombre d'infirmières ont été découragées ».
Quentin Haroche
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