ANSSOUFOUDDINE MOHAMED PUBLIÉ LE
Les cris de douleur sincères portent et ne sont jamais vains. A plus forte raison quand ils sont mus du feu d’une certaine poésie. Aussi loin que ces cris s’estompent, ils ne s’éteignent jamais. Ils pénètrent en silence les éléments, infusent d’autres principes de vie et relaient les évidences. La psychanalyse sous couvert de psychiatrie s’invite à juste titre pour le retour à la vie de ces voix qu’étouffent le tumulte d’Anarchipel[i]. En lisant L’odeur de Mayotte de Patricia Janody, deux cris ayant sommes toutes fait long feu sous ce ciel comorien me reviennent justement en tête de façon instinctive (une écholalie ???).
Celui de Dénètem Touambona, philosophe et anthropologue afropéen qui a enseigné pendant quelques années à Mayotte. Sa voix résonne en moi encore, quand il hèle : « Peau comorienne, masque français », parlant de « ce quelque chose aux relents fanoniens en mouvement à Mayotte » que Janody , notre clinicienne compose , décompose et recompose en différents symptômes.
Le deuxième c’est l’écho de la mienne propre de voix quand je tonne dans En-jouant au concert des apocryphes[ii] : « Un portrait du colonisé n’aura pas suffi n’en déplaise à Monsieur Memmi le portrait du comorien est encore à noircir sur le papier ».
Les deux voix me reviennent car l’une comme l’autre exprime un désir d’analyse au sens thérapeutique. Tout comme elles expriment un désir de nommer toutes ces blessures répétitives, indéchiffrables, coincées strate sur strate en travers des portes scellées de notre inconscient. Tant, par ici, le fait colonial est présent, prégnant et impitoyable. Ils me reviennent d’autant plus qu’il y a bien longtemps que le psychiatre des damnés de la terre s’en est allé. Que la psychiatrie est de plus en plus un domaine moderne et modernisé lyophilisé en kits consommables sous formes de protocoles, de parcours, de data, de modélisation mathématique, au plus grand dam du symptôme dans sa poésie, son enchevêtrement de tons, ses solutions de continuité et ses irrégularités.
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