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mercredi 10 mai 2023

Contre le vitiligo, un premier traitement bientôt disponible

Par    Publié le 03 mai 2023

La Commission européenne a donné son aval à la mise sur le marché en Europe d’une crème contre cette maladie auto-immune chronique qui attaque les mélanocytes, provoquant une décoloration de la peau.

Winnie Harlow, lors de la 95e cérémonie des Oscars, le 12 mars 2023, en Californie.

C’est une lueur d’espoir pour les personnes atteintes de vitiligo, cette maladie qui entraîne une dépigmentation progressive de l’épiderme et du système pileux et se caractérise par des taches blanches sur le visage, les pieds, les mains, ou toute autre partie du corps.

La Commission européenne a donné, le 20 avril, son aval à la mise sur le marché en Europe de l’Opzelura (ruxolitinib), une crème développée par le laboratoire Incyte. Une première. Le médicament est déjà autorisé aux Etats-Unis depuis juillet 2022. En Europe, l’Allemagne sera très probablement le premier pays à le commercialiser. En France, compte tenu des délais pendant lesquels la Haute Autorité de santé évalue le médicament en vue de son remboursement par l’Assurance-maladie et de la fixation de son prix, l’Opzelura est attendu pour le premier trimestre de 2024.

Cette maladie auto-immune chronique, liée à la perte des mélanocytes qui synthétisent normalement la mélanine, principal pigment colorant la peau, touche entre 0,5 % et 2 % de la population mondiale, 50 % des malades développant cette pathologie avant l’âge de 20 ans. En France, on estime qu’entre 600 000 et 1 million de personnes en souffrent. Les hommes sont autant concernés que les femmes, et peu importe la couleur de peau.

« Des malades en grande souffrance »

Dans la vie quotidienne, le vitiligo peut avoir un retentissement majeur sur les personnes atteintes, à la fois dans leur vie professionnelle et dans leurs relations sociales et affectives. Et le poids de cette pathologie est sous-estimé. « On entend trop souvent “c’est psychologique, on ne peut rien faire” ou “c’est esthétique, ce n’est pas bien méchant”, or on sait que c’est une maladie auto-immune qui a des gènes en commun avec la pelade, le diabète de type 1, le lupus ou encore des problèmes thyroïdiens, souligne Thierry Passeron, chef du service de dermatologie du CHU de Nice. Certes, ces dernières années, des personnalités, comme la mannequin canadienne Winnie Harlow, en ont fait un atout, mais, malheureusement, la grande majorité des malades est dans une vraie souffrance. »

Pour prendre sa décision, la Commission européenne s’est fondée sur les données de deux essais cliniques de phase 3 menés aux Etats-Unis et en Europe, en double aveugle, sur 674 patients âgés de 12 ans et plus, souffrant d’un vitiligo non segmentaire (qui touche le corps de façon bilatérale et assez symétrique), avec une dépigmentation couvrant 10 % ou moins de la surface corporelle totale. En France, les trois centres de référence – CHU de Bordeaux, de Nice et de Créteil – ont participé à ces essais. Les résultats ont été publiés dans le New England Journal of Medicine, en octobre 2022. Dans le détail, les patients ont appliqué la crème ou un placebo deux fois par jour pendant 24 semaines sur toutes les zones du vitiligo, du visage ou du corps. Concrètement, la substance active du ruxolitinib bloque les enzymes connues sous le nom de Janus kinases (JAK 1 et 2) et réduit la capacité du système immunitaire à s’attaquer aux mélanocytes.

Résultat : 31 % des patients ont obtenu plus de 75 % d’amélioration de l’atteinte du visage à six mois, et 30 % des patients une amélioration de plus de 90 % à un an. « C’est d’autant plus prometteur que, dans les essais, cette crème a été utilisée en monothérapie. Or on sait que l’exposition au soleil ou la photothérapie favorisent la repigmentation. On peut donc imaginer que les résultats seront encore bien meilleurs en association avec une exposition solaire », se réjouit Julien Seneschal, responsable de l’unité dermatologie générale, inflammatoire et auto-immune au CHU de Bordeaux.

Même enthousiasme du côté de Thierry Passeron. « C’est un traitement très bien toléré, son efficacité a été démontrée dans le temps. Pour autant, si c’est un réel progrès, ce n’est pas un traitement miracle. Il ne faut pas que les patients pensent que leur peau va se repigmenter rapidement. C’est un traitement long : il faut compter entre six et vingt-quatre mois pour obtenir des repigmentations complètes ou quasi complètes », explique ce spécialiste.

Des traitements associés à de la photothérapie

Par ailleurs, si l’efficacité du ruxolitinib a été démontrée sur le visage, les résultats sur le corps sont plus décevants. « Un tiers des personnes vont obtenir une repigmentation complète ou quasi complète sur le visage après un an de traitement. Le visage, le cou et le tronc vont bien mieux répondre que les membres. Le plus difficile étant les poignets, les mains et les pieds », précise Thierry Passeron.

Jusqu’à présent, les patients atteints de vitiligo étaient traités avec des médicaments hors autorisation de mise sur le marché : « Une crème utilisée dans l’eczéma – le tacrolimus, un immunosuppresseur – ou une corticothérapie locale, voire générale, pour les patients ayant un vitiligo actif et concernant plus de 10 % de la surface du corps. Ces traitements sont toujours associés à de la photothérapie car, contrairement aux idées reçues, il y a un vrai intérêt à s’exposer modérément au soleil ou à faire des UVB pour promouvoir la repigmentation », explique Julien Seneschal.

Le nouveau traitement devrait être le premier d’une longue série. « Les laboratoires ont enfin compris que l’on pouvait apporter des solutions et développent énormément de recherches sur cette pathologie. Deux essais de phase 2 sur un traitement par voie orale ont montré des résultats positifs au Congrès de dermatologie qui s’est tenu à La Nouvelle-Orléans (Louisiane), en mars. Nous allons entrer en phase 3. Et il y a aussi des essais de phase 2 ou précliniques pour d’autres traitements », se félicite Thierry Passeron.

Plusieurs études sont aussi en cours. L’une, baptisée Erase, est menée par les CHU de Nice et de Bordeaux sur des patients âgés de 18 à 40 ans qui ont commencé un vitiligo depuis moins de six mois. « On pense qu’il y a probablement ce que l’on appelle une fenêtre d’opportunité. Et que, plus on agira vite et fort, plus on augmentera les chances d’en bloquer l’évolution et de parvenir à une repigmentation rapide », affirme Thierry Passeron.

Une deuxième étude, menée par ces deux CHU ainsi que par celui de Créteil, concernera les organes génitaux (touchés chez 60 % des personnes atteintes de vitiligo) avec le ruxolitinib crème. Enfin, la troisième étude, menée uniquement au CHU de Nice, est axée sur des parties très résistantes, comme le dos des mains, les poignets, les coudes ou les genoux. « Dans cet essai, nous allons faire une greffe de suspension épidermique et protégerons cette greffe avec le ruxolitinib », précise-t-il.


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