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samedi 13 mai 2023

Au rapport Rendez-vous médicaux : les sans-papiers confrontés au refus de soin




par Nathalie Raulin   publié le 12 mai 2023

Selon une étude de l’Institut des politiques publiques publiée ce vendredi 12 mai, les bénéficiaires de l’Aide médicale d’Etat en quête d’un rendez-vous chez un praticien font face à des refus discriminatoires.

La plupart des Français en ont fait l’expérience. Obtenir un rendez-vous non urgent avec un généraliste, un ophtalmologiste ou un pédiatre réclame une bonne dose de patience et de persévérance. Mais pour les étrangers en situation irrégulière bénéficiaires de l’Aide médicale d’Etat (AME), l’affaire tient du challenge. En témoigne une étude de l’Institut des politiques publiques, dévoilée ce vendredi 12 mai, sur les refus de soins qu’ils essuient.

Pour identifier d’éventuelles discriminations dans l’accès aux soins des plus pauvres et des étrangers en situation irrégulière, les chercheurs ont procédé à un vaste testing téléphonique. Entre mars et septembre 2022, quelque 34 000 appels ont été passés à plus 3 000 praticiens pour une demande de rendez-vous médical non urgent. En fonction du profil du patient demandeur – personnes démunies bénéficiaires de la Complémentaire santé solidaire (CSS), étrangers en situation irrégulière bénéficiaires de l’Aide médical d’Etat ou «patients de référence» ne recevant aucune de ces deux aides –, les taux et les délais d’obtention d’un rendez-vous médical ont été mesurés.

Entre 14 % et 36 % de chances en moins d’avoir un rendez-vous

Sans surprise, décrocher un rendez-vous médical se révèle compliqué pour tout le monde : seule la moitié des patients de référence demandant une prise en charge pour un motif sans caractère d’urgence l’obtiennent. Quatre appels sont nécessaires, en moyenne, ne serait-ce que pour entrer en contact avec un cabinet médical. Pour les chanceux, les délais sont parfois très longs : si les généralistes proposent des rendez-vous en moyenne dans les huit jours, ce délai dépasse vingt-cinq jours pour les pédiatres et plus de cinquante cinq jours pour les ophtalmologues.

Contrairement au testing réalisé en 2019, les bénéficiaires de la CSS semblent désormais avoir autant de chances que les patients de référence à accéder aux soins, même s’ils font face à des refus discriminatoires explicites dans 1 à 1,5 % des cas. «La fusion de la Couverture maladie universelle complémentaire et de l’Aide à la complémentaire santé dans la CSS en novembre 2019 [qui permet aux assurés ayant de faibles revenus d’obtenir la prise en charge de la part complémentaire de leur frais de santé, ndlr], ainsi que l’extension de la pratique du tiers payant semblent avoir permis une simplification de la gestion de la prestation pour les professionnels de santé et participent ainsi à la diminution des refus de soins opposés aux bénéficiaires de la CSS», notent les auteurs de l’étude.

Mais il n’en va pas de même pour les bénéficiaires de l’AME. Ceux-là doivent appeler 1,3 fois plus que les patients de référence pour obtenir un rendez-vous médical. Ils ont entre 14 % et 36 % de chances en moins d’avoir un rendez-vous chez un généraliste, entre 19 % et 37 % de chances en moins chez un ophtalmologue et entre 5 % et 27 % de moins chez un pédiatre, quels que soient le genre et le secteur d’exercice des praticiens.

Médecins déjà surchargés

Selon l’étude, «ces discriminations sont le fait d’une minorité de praticiens, mais ont une ampleur non négligeable et sont souvent exprimées de manière explicite : 4 % des demandes de rendez-vous des patients bénéficiaires de l’AME chez un généraliste se soldent par un refus discriminatoire explicite, 7 % des appels pour un rendez-vous chez un pédiatre et 9 % des appels chez un ophtalmologue».Globalement, près d’un refus de rendez-vous sur dix est explicitement discriminatoire.

Comment expliquer une telle discrimination vis-à-vis de personnes économiquement et socialement vulnérables ? Selon les chercheurs, les praticiens anticiperaient des prises en charge complexes, du fait du mauvais état général présumé des étrangers en situation irrégulière, ou de leur mauvaise maîtrise de la langue, nécessitant des consultations longues. Ils redouteraient en outre un surcroît de démarches administratives, les bénéficiaires de l’AME ne disposant pas de la carte vitale. Soit, pour des médecins déjà surchargés, une perspective d’emmerdement maximum.

Inacceptable pour le Défenseur des droits qui rappelle à l’ordre les médecins : un refus de soins discriminatoire à l’encontre d’un bénéficiaire d’une aide ciblée, du fait de sa situation de vulnérabilité économique, est un délit au regard de la loi, et un acte contraire à la déontologie et à l’éthique médicale.


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