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jeudi 24 novembre 2022

La rTMS est une thérapeutique innovante de la dépression qui doit être reconnue

Publié le 24 novembre 2022

Un collectif de psychiatres dénonce l’absence de remboursement d’une technique de traitement de la dépression résistante par stimulation magnétique du cerveau. Selon eux, l’avis négatif de la HAS sur cette technique utilisée dans 150 centres en France est biaisé.

Fin juillet, la Haute Autorité de santé (HAS) a rendu public son rapport sur la stimulation magnétique transcrânienne répétée (rTMS) dans le traitement de la dépression résistante de l’adulte. Ce rapport était très attendu par la communauté des psychiatres et le verdict est tombé : 70 pages pour un avis négatif sur l’intérêt de la rTMS à haute fréquence dans le traitement de la dépression après échec de deux traitements antidépresseurs.

Environ 150 centres rTMS se sont pourtant structurés, en majorité dans des hôpitaux publics, pour répondre à un besoin majeur de santé publique : la prise en charge de la dépression, affectant une personne sur cinq au cours de sa vie et dont l’incidence explose depuis le début de la crise due au Covid-19. Le principe de la rTMS est de moduler des zones du cerveau à l’aide d’impulsions magnétiques délivrées par une bobine sur le crâne du patient, quotidiennement pendant plusieurs semaines pour aider les neurones à rétablir des connexions cérébrales.

L’avis négatif émis par la HAS contraste avec l’ensemble des recommandations d’experts et la position favorable des autorités de santé de nombreux pays à travers le monde, qui reconnaissent l’efficacité thérapeutique de la rTMS lorsque les symptômes dépressifs sont modérés et que le niveau de résistance aux antidépresseurs est faible à modéré. Les analyses médico-économiques montrent toutes des coûts globaux équivalents ou inférieurs à d’autres stratégies thérapeutiques médicamenteuses ou l’électroconvulsivothérapie (ECT, les anciens électrochocs) avec des résultats pertinents en matière d’amélioration de l’état de santé et de la qualité de vie des malades.

Manque de rigueur des procédures d’évaluation

Cet avis est d’autant plus surprenant que la HAS a rendu un avis favorable en juin pour l’utilisation de la rTMS mais aussi de la stimulation électrique à courant continu (tDCS) dans les troubles aphasiques post-AVC (troubles du langage et de la communication secondaires à un accident vasculaire cérébral) alors même que les recommandations d’experts rapportent un niveau de preuve scientifique faible ! Pour émettre son avis sur la place de la rTMS dans la rééducation de l’aphasie post-AVC, le groupe d’experts de la HAS s’est appuyé sur une seule méta-analyse (méthode scientifique visant à regrouper les résultats d’études différentes). La thématique de la rééducation motrice post-AVC, qui possède pourtant un plus haut niveau de preuve d’efficacité, n’a pas été évaluée. Cela témoigne d’un manque de rigueur scientifique dans les procédures d’évaluation, faisant naître un sentiment de « deux poids, deux mesures ». Faut-il y voir une marque de plus de la stigmatisation que peuvent subir les patients souffrant de dépression ?

Ainsi, concernant la place de la rTMS dans la prise en charge de la dépression, les experts de la HAS ont fait fausse route : dans la lettre de cadrage du 2  juin 2019, la HAS prenait l’ECT comme thérapeutique de référence. Or, la population qui relève de la rTMS est différente de celle relevant de l’ECT : états dépressifs extrêmes au cours desquels les patients ne s’alimentent plus, sont prostrés, et parfois très suicidaires, ou dépressions très résistantes (après l’échec de quatre ou cinq antidépresseurs), nécessitant obligatoirement une hospitalisation. A l’inverse, la rTMS s’adresse principalement à des patients déprimés moins sévèrement, traités souvent en ambulatoire, parfois en activité professionnelle.

La rTMS ne constitue pas un traitement miracle de la dépression, mais une thérapeutique qui peut apporter des bénéfices certains aux patients, avec un minimum de risque

La rTMS ne constitue pas un traitement miracle de la dépression, mais une thérapeutique qui peut apporter des bénéfices certains aux patients, avec un minimum de risque : les effets indésirables sont pratiquement inexistants lorsque les contre-indications sont respectées. La tolérance de la rTMS est excellente surtout si on la compare aux autres stratégies d’optimisation thérapeutique utilisées quand un traitement antidépresseur ne permet pas d’obtenir une réponse complète : combinaison d’antidépresseurs, ajout d’un régulateur de l’humeur ou d’un antipsychotique parfois mal tolérés (prise de poids, troubles sexuels) affectant la qualité de vie, la capacité à maintenir une insertion professionnelle. Les innovations thérapeutiques ne sont pas si nombreuses dans le champ des troubles psychiatriques, aussi la rTMS méritait d’être soutenue.

Un encadrement des conditions de recours et d’utilisation de la rTMS est indispensable dans l’intérêt des patients. La reconnaissance d’un acte thérapeutique spécifique permettant de valoriser l’activité au niveau hospitalier, même sans remboursement associé, aurait permis de contourner les craintes d’explosion des coûts de santé tout en autorisant et encadrant le recours à la rTMS.

Les psychiatres hospitalo-universitaires et hospitaliers, praticiens de la rTMS en France, ont été écartés des réflexions du groupe d’expert de la HAS sur ce sujet. Ils sont disposés à trouver ensemble une solution intelligente dans l’intérêt des patients et des établissements hospitaliers pour valoriser les innovations dans le domaine de la santé mentale, grande cause nationale qui ne saurait être pensée en marge de la communauté scientifique internationale.

David Szekely, chef de service adjoint de psychiatrie, Centre hospitalier Princesse-Grace (Monaco) ; Emmanuel Haffen,chef de service psychiatrie, CHU de Besançon ; Raphael Gaillard, chef de pôle hospitalo- universitaire de psychiatrie de l’hôpital Sainte-Anne (Paris) ; Emmanuel Poulet, chef de service psychiatrie des urgences, Hôpitaux civils de Lyon ;
Anne Sauvaget, professeure de psychiatrie, CHU de Nantes.


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