Le Monde avec AFP Publié le 25 novembre 2022
La grève aura lieu les 15 et 20 décembre, un mouvement inédit en 106 ans. Le gouvernement reconnaît que « c’est une période difficile », mais refuse de répondre aux demandes.
Les infirmières britanniques vont se mettre en grève les 15 et 20 décembre, un mouvement inédit en 106 ans, illustrant la gravité de la crise sociale au Royaume-Uni avec des débrayages dans de nombreux secteurs, qui n’avaient pas été vus depuis des décennies. « Les infirmières en ont assez », a résumé Pat Cullen, la secrétaire générale du syndicat Royal College of Nurses (RCN). « Assez des bas salaires, (…) assez de ne pas pouvoir donner aux patients les soins qu’ils méritent. »
Le personnel avait voté le 9 novembre en faveur de cette grève inédite dans l’histoire du RCN, créé il y a cent six ans. Ce syndicat a annoncé vendredi 25 novembre deux jours d’action les 15 et 20 décembre après « le rejet de négociations de la part du gouvernement ». Selon des estimations, le salaire réel des infirmières a chuté de 20 % depuis 2010, notamment en raison de l’actuelle crise du coût de la vie, avec une inflation supérieure à 11 %. Le salaire annuel d’une infirmière débutante est de 27 000 livres bruts (31 400 euros).
Mais pour le ministre de la santé, Stephen Barclay, « c’est une période difficile pour tout le monde » et le gouvernement ne peut pas répondre aux demandes « inabordables » du RCN, qui « représentent une augmentation salariale de 19,2 % ».
Sept millions de personnes attendent d’être soignées
Un hôpital sur quatre a mis en place des banques alimentaires pour soutenir le personnel, selon NHS Providers, qui représente les groupes hospitaliers en Angleterre. « On est épuisés. On en a marre. On a besoin d’une augmentation pour vivre », dit à l’Agence France-Presse (AFP) Ameera, une infirmière dans un hôpital londonien qui a voté la grève.
Des infirmières s’opposent à la grève, craignant que la mobilisation nuise aux patients. Mais pour Ameera, qui n’a pas souhaité donner son nom, « c’est le gouvernement britannique qui joue avec la santé des patients en n’augmentant pas les salaires ». Elle raconte le Covid-19, ses collègues qui y ont perdu la vie. « Et pourquoi ? Simplement pour que le gouvernement et le monde nous applaudissent ? »
Cette grève survient alors que le système de santé public (NHS), sous-financé depuis des années, est plongé dans une grave crise. Le gouvernement a annoncé une augmentation du budget du NHS de 3,3 milliards de livres l’an prochain et l’année suivante.
Selon le Royal College of Nurses, en Angleterre, 47 000 postes d’infirmières ne sont pas pourvus. L’an dernier, 25 000 infirmières ou sages-femmes qui travaillaient dans le public ont claqué la porte. « Les mauvaises rémunérations contribuent à la pénurie de personnel dans tout le Royaume-Uni, ce qui affecte la sécurité des patients », dénonce le syndicat.
Plus de 7 millions de personnes attendent de recevoir un traitement dans les hôpitaux anglais, un niveau record.
Avocats, postiers, enseignants…
Le mouvement social ne frappe pas uniquement le secteur de la santé. De nombreux autres employés des secteurs public et privé, des avocats au personnel au sol des aéroports, ont également fait grève cette année. En Ecosse, les enseignants étaient en grève jeudi 24 novembre pour réclamer des augmentations. Des salariés des universités ont également arrêté de travailler jeudi et vendredi, un mouvement qui a touché environ 2,5 millions d’étudiants.
Les postiers ont prolongé leur mouvement de grève jusqu’à 2023, ce qui pourrait affecter la distribution du courrier et des colis pendant la période des fêtes de fin d’année. Les transports sont également concernés. Le métro londonien a été paralysé par un mouvement très suivi le 10 novembre. Les cheminots ont annoncé plusieurs journées d’action d’ici à la fin de l’année et la première semaine de janvier. Des fonctionnaires ont eux aussi annoncé un mouvement social.
« Les dernières grandes grèves remontent aux années 1970 et 1980, mais elles touchaient alors principalement le secteur privé et l’industrie. Là, c’est surtout le secteur public », a expliqué à l’AFP Pippa Catterall, professeure d’histoire à l’université de Westminster, elle-même gréviste. « Les gens sont sous pression depuis longtemps. Ce n’est pas seulement les salaires, mais aussi la charge de travail. Nous ne voyons pas comment les choses peuvent changer à part en se mettant en grève », a-t-elle poursuivi.
Et avec une inflation record, « les gens sont de plus en plus irrités par les mesures cosmétiques annoncées par les employeurs et le gouvernement ».
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