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jeudi 29 septembre 2022

HLM : les bailleurs sociaux font l’état des lieux

par Eve Szeftel, Envoyée spéciale à Lyon (Rhône) publié le 27 septembre 2022 

Réunis en congrès à Lyon jusqu’à jeudi, les organismes tentent de trouver des solutions de rénovation pour faire face à la crise énergétique, ainsi que des moyens d’aider les classes moyennes à trouver des logements plus abordables.

Repartir sur de bonnes bases, à défaut de tourner la page : telle est l’ambition, modeste, du grand raout annuel du mouvement HLM, qui se tient jusqu’à jeudi à Lyon (Rhône). Sobrement intitulé «Réussir», c’est le premier du nouveau quinquennat. Entre baisse des APL, ponction sur la trésorerie des bailleurs et discours dénigrant le logement social, le précédent a laissé un goût amer aux bailleurs sociaux, qui logent 11 millions de personnes, soit 17 % des ménages français. Le choix de nommer Olivier Klein, qui a vécu en HLM et présidé l’Agence nationale de la rénovation urbaine, comme ministre délégué au Logement, a cependant été bien accueilli. L’ancien maire de Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) a tenu d’ailleurs à être présent dès l’ouverture du congrès mardi, dont il prononcera le discours de clôture jeudi. Son ministre de tutelle, Christophe Béchu (Transition écologique et Cohésion des territoires), est, lui, attendu ce mercredi.

Autre signe de bonne volonté, l’arbitrage favorable aux organismes HLM dans le projet de loi de finances (PLF) : ils verront leurs moyens en faveur de la rénovation thermique croître de 200 millions d’euros en 2023«Aujourd’hui je sens une inflexion, une écoute différente. Le PLF a été rendu public hier, il n’a pas aggravé la situation…. Ça nous change», a ironisé mardi Emmanuelle Cosse, la présidente de l’Union sociale pour l’habitat (USH), qui fédère les 409 organismes HLM. L’ancienne ministre du Logement n’a pas caché que le «contexte dans lequel les bailleurs sociaux évoluent s’est largement complexifié ces cinq dernières années», entre «paupérisation» des locataires et «crises qui se succèdent» auxquels s’ajoute le retour de l’inflation.

Le sujet a d’ailleurs fait l’objet d’un débat en plénière mardi, avec l’économiste Daniel Cohen. «Au Moyen Age, on disait que la peste, la faim et la guerre étaient les trois grands fléaux à combattre. C’est toujours vrai : après le Covid, la fin du gaz et la guerre en Ukraine sont nos grands fléaux actuels», a-t-il dit. D’autres sujets moins brûlants sont à l’agenda de ces trois jours : la «mobilisation des organismes dans la crise ukrainienne», la présentation du «Manifeste de l’USH pour la biodiversité» (eh oui, les HLM, ce ne sont pas que du béton en barre ou en tour) ou «la place des seniors dans le logement social». L’occasion pour ce quasi-service public du logement, accusé par l’extrême droite pendant la campagne présidentielle d’être un vecteur d’islamisation et de ghettoïsation, de rappeler son utilité sociale.

Le défi énergétique

C’est le plus pressant, le plus actuel. Etre logé dans le parc social, c’est l’assurance de bénéficier d’un HLM. Mais pas de factures modérées d’électricité ou de gaz, qui ont flambé depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine. Au départ, le bouclier tarifaire excluait les locataires HLM ; l’USH s’est battue et a obtenu qu’il soit étendu aux bénéficiaires d’un contrat individuel au gaz.«Nous, on est un intermédiaire, on refacture. Donc il faut être transparent avec les locataires sur le coût de l’énergie, combien on achetait avant et combien on achète aujourd’hui» sur les marchés de gros de l’électricité, souligne Emmanuelle Cosse. La Première ministre, Elisabeth Borne, a demandé aux administrations de montrer l’exemple en matière de sobriété énergétique. Le parc social est prêt à s’adapter.

«En fonction de ce que la ministre nous demandera, s’il faut limiter le chauffage à 19 degrés, il faudra vérifier qu’on est capable de maintenir cette température, remarque Cosse. Il ne faut pas qu’il y ait des immeubles où il y ait 21 degrés et d’autres 15 degrés.» La question de «l’accompagnement social» des locataires les plus fragiles se pose aussi, et les bailleurs réfléchissent à des solutions, comme de consentir des remises sur les loyers et charges dans des immeubles très énergivores. Mais «il y a aussi 30 % de locataires qui sont en chauffage individuel, et le bailleur ne peut pas se dire que ce n’est pas son problème», a relevé l’ancienne ministre du Logement sous Hollande. Il n’y a plus qu’à espérer que l’hiver soit clément.

Le défi de la rénovation thermique

Il est étroitement lié au précédent. «La question ce n’est pas seulement comment on passe l’hiver, mais comment on adapte notre parc», rappelle Emmanuelle Cosse. Sur les 5,4 millions de logements sociaux, 1,2 million sont des passoires énergétiques, classées E, F et G. La loi climat et résilience adoptée il y a un an a fixé des objectifs de conversion : les G doivent être éradiqués d’ici 2025, les F d’ici 2028 et les E d’ici 2034. Plus ambitieuse, la Stratégie nationale bas carbone vise l’étiquette B en 2050. Pour l’USH, autant viser le B tout de suite. Mais les organismes HLM manquent d’argent pour mener ce chantier titanesque à bien. Si le plan de relance, en y consacrant 500 millions d’euros, a permis d’accélérer la cadence pour atteindre 120 000 rénovations par an, ce n’est pas suffisant. «Aujourd’hui, on a des prêts pour la rénovation, mais avoir quelques aides nous permettrait de mieux traiter les dossiers les plus chers, notamment les G», plaide Emmanuelle Cosse. Qui a donc été entendue sur ce point.

Le défi social

Après un pic de 124 000 en 2016, le nombre d’agréments délivrés (la première étape dans la réalisation d’un programme de logement social) a chuté lors du premier quinquennat Macron pour passer sous la barre des 100 000 en 2020. Sachant qu’il faut entre quatre et sept ans pour sortir de terre un programme, la pénurie, c’est maintenant. «Ça craque de partout, confirme Bernard Coloos, de la Fédération française du bâtiment. Tous les indicateurs sont en train de s’effondrer.» En parallèle, la demande de logement social continue d’augmenter : 1,5 million de personnes sont sur liste d’attente.

Cette chute inédite de la construction intervient au moment où le besoin d’un logement abordable se fait sentir dans des régions qui étaient jusque-là épargnées par les tensions. Début septembre, 500 personnes ont défilé dans les rues de Douarnenez (Finistère) au nom du «droit au logement». «Vue sur mer pour les précaires», pouvait-on lire sur une pancarte, un slogan qui résume bien le problème, que l’on retrouve de Saint-Malo à Bayonne, de l’éviction des locaux vers l’arrière-pays en raison de «l’évaporation» de nombreux biens, transformés en résidences secondaires ou en location courte durée de type Airbnb. «Aujourd’hui, dans beaucoup de régions, des salariés installés depuis longtemps n’arrivent plus à trouver un logement pour y vivre toute l’année. Cela crée des tensions de dingue et, nous, on le voit dans les demandes HLM : on a des augmentations en Mayenne, en Pays de la Loire, en Bretagne», souligne Emmanuelle Cosse. Une situation qui rappelle l’après-guerre, quand le logement social servait de point de chute aux«familles agricoles qui venaient remplir la classe ouvrière des grands bassins d’emploi». A l’époque l’abbé Pierre avait lancé un appel qui, lui, avait été entendu.


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