par Anaëlle Nakache, élève en khâgne B/L publié le 25 septembre 2022
Dans Œdipe n’est pas coupable, Pierre Bayard choisit de creuser un mythe fondateur qui a donné lieu à de multiples interprétations et prolongements, particulièrement dans le domaine de la psychanalyse. Depuis l’Antiquité, Œdipe est accusé d’avoir tué son père Laïos. Ce meurtre est le fruit d’une malédiction lancée par Apollon sur Laïos pour le punir d’avoir violé Chrysippe, le fils du roi Pélops. Apollon condamne Laïos à être tué par son propre fils qui, une fois le meurtre commis, épousera sa mère, Jocaste. Professeur de littérature et psychanalyste, l’auteur s’intéresse à la responsabilité présumée d’Œdipe et entreprend de mener une enquête pour identifier le véritable coupable du meurtre de Laïos.
Incohérences du procédé judiciaire
Son ouvrage est découpé en quatre parties. Dans un premier temps («Enquête»), il rappelle les faits survenus au sein de la dynastie royale de Thèbes, les Labdacides. Il ne s’appuie pas seulement sur la pièce Œdipe roi, qui ne traite que du déroulement de la malédiction, mais aussi sur Œdipe à Colone et Antigone, deux pièces qui mettent en scène ce qui se passe après le départ d’un Œdipe aveugle en exil. Dans sa deuxième partie («Contre-Enquête»), il met au jour les incohérences du procédé judiciaire qui a conduit à désigner Œdipe comme coupable, comme le manque de précision sur le jour et le lieu de l’assassinat de Laïos. Il rappelle que la malédiction d’Apollon était double : Laïos devait être tué par son propre fils qui s’unirait ensuite avec Jocaste et une épidémie de peste se déchaînerait sur Thèbes tant que l’assassin de Laïos ne serait pas puni. Or l’épidémie de peste persiste après la condamnation d’Œdipe ce qui joue en faveur de son innocence.
Fondement de notre civilisation
Pierre Bayard amende ensuite la thèse psychanalytique freudienne du complexe d’Œdipe («Mythe»). En s’inspirant, entre autres, des travaux de Claude Lévi-Strauss et de René Girard, il montre que cette histoire aurait pu être également interprétée différemment. Dans la dernière partie («Vérité»), il énonce une thèse convaincante sur la culpabilité d’un autre protagoniste.
En interrogeant un fondement de notre civilisation, cette enquête «policière» a quelque chose de révolutionnaire. Le travail de documentation qui la sous-tend apporte de nombreuses références au lecteur, susceptibles de nourrir une réflexion féconde historique et éthique.
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