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vendredi 3 juin 2022

En France, selon l’Insee, l’ascenseur social n’est pas en panne

Par   Publié le 2 juin 2022

Selon une étude novatrice, 70 % des enfants de parents modestes grimpent dans l’échelle des revenus.

Lors d’une épreuve du baccalauréat au lycée Pasteur de Strasbourg, le 17 juin 2019.

Une étude originale, publiée par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), le 19 mai, tord le cou à l’idée que la France serait « le » pays de la reproduction des inégalités sociales. Les statisticiens ont, pour la première fois, comparé le revenu 2018 d’adultes de 28 ans à ceux de leurs parents, dix ans plus tôt, pour mesurer la mobilité des ressources entre générations. « Les revenus des parents influencent, bien sûr, fortement ceux des enfants, mais sont loin de les déterminer entièrement », écrivent les auteurs.

Parmi les enfants de parents défavorisés appartenant aux 20 % des ménages les plus modestes, un quart font tout de même partie à 28 ans des 40 % des ménages les plus aisés et « 12 % ont une mobilité très ascendante et rejoignent les 20 % les plus riches ». En élargissant le point de vue, l’étude constate que 70 % des enfants de parents modestes gagnent mieux leur vie qu’eux. A l’autre extrémité du tableau, 15 % des enfants de parents aisés ont une mobilité descendante et se retrouvent, à 28 ans, parmi les 20 % des ménages les plus modestes.

Selon l’Insee, ceux qui ont le plus de chances d’améliorer leurs revenus comparés à ceux de leurs parents sont plutôt des hommes, habitant l’Ile-de-France et dont l’un des parents est diplômé du supérieur. Les enfants d’immigrés ont, eux, une mobilité ascendante plus forte que la moyenne, de 15 % contre 10 %. Plusieurs facteurs pourraient y contribuer : ils résident plus généralement dans les grandes villes et des territoires dynamiques offrant davantage d’opportunités d’emplois ; leurs parents ont investi plus intensivement dans leur éducation… L’étude bat en brèche une autre idée reçue, en faisant le constat que la mobilité ascendante est identique, à 19 %, en Seine-Saint-Denis, le département le plus pauvre de France, et dans les Hauts-de-Seine, le plus riche.

« Modèle à la française efficace »

« Ces conclusions peuvent sembler contradictoires avec le sentiment de déterminisme social, très fort en France comparé à d’autres pays », explique, sur le blog de l’Insee, Michaël Sicsic, chargé d’étude sur les inégalités et la pauvreté et coauteur de l’étude. Il fait référence à la publication, en juin 2018, par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), d’une étude largement reprise dans le discours médiatique et politique, qui avait frappé les esprits en affirmant notamment que la France « affiche, en matière de revenus du travail et de statut social, une mobilité relativement faible par rapport à d’autres pays », comme l’Espagne, la Grèce, le Portugal ou le Danemark.

L’OCDE classait dans ce domaine la France 21e sur 30 pays, et estimait à six générations, soit cent quatre-vingts ans, le temps nécessaire aux descendants d’une personne d’origine modeste pour parvenir à disposer de revenus moyens ! « Mais ce calcul de l’OCDE est théorique, observe M. Sicsic. Il repose sur une estimation et des simulations de revenus, tandis que l’étude de l’Insee relie directement les revenus réels des parents, tels que déclarés à l’administration fiscale, à ceux de leurs enfants, et prend en compte un très large panel. »

« Cette étude novatrice de l’Insee montre que l’ascenseur social n’est pas en panne, se félicite Louis Maurin, directeur de l’Observatoire des inégalités. Que le modèle social à la française est efficace et que prétendre le contraire en ne pointant que ses défaillances, car il y en a, donne des arguments à ceux qui veulent le défaire. »


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