Publiée 6 janvier 2022
TRIBUNE
Dix organisations mutualistes et syndicales disent redouter, dans une tribune au « Monde », la politisation du débat sur l’articulation entre Sécurité sociale et complémentaires santé et invitent les parties prenantes à s’emparer des vrais sujets : poids excessif du coût de la santé dans le budget de certains foyers, déserts médicaux, etc.
Tribune. Depuis 2019, le Haut conseil pour l’avenir de l’assurance-maladie (HCAAM) mène des réflexions sur la question de l’articulation entre la Sécurité sociale et les complémentaires santé.
Cette instance, qui réunit plus d’une soixantaine d’acteurs du monde de la protection sociale et qui produit des analyses et des avis préalables au travail législatif, est soumise, dans un contexte préélectoral, à une politisation de ses débats peu propice à leur bon achèvement.
Pourtant, le HCAAM est un lieu d’intelligence collective où les acteurs ne sont pas dans le conflit mais dans la recherche de solutions communes au bénéfice de l’intérêt général. Les signataires réaffirment l’intérêt d’une telle instance, nécessaire pour la démocratie sanitaire de notre pays, et condamnent fermement les instrumentalisations. Ils souhaitent que les prochains travaux retrouvent la sérénité nécessaire à la qualité des avis.
Vaine polémique
Alors que le reste à charge des Français est le plus bas d’Europe, une polémique nourrie enfle sur l’un des scénarios que cette instance documente, celui d’une étatisation de la complémentaire de santé, dite « grande Sécu ». Pour ne pas nous égarer dans une vaine polémique, nous souhaitons réaffirmer les enjeux auxquels les Français et notre système de santé sont confrontés.
Le débat sur l’articulation entre la Sécurité sociale et les complémentaires santé est pertinent dès lors qu’il réclame des réponses à de vraies interrogations, comme celles, par exemple, du poids excessif du coût de la santé dans le budget de certains foyers.
Mais ce débat et certaines solutions trop simplistes ne répondent pas, loin s’en faut, aux difficultés quotidiennes que vivent les Français. Déserts médicaux, allongement des délais pour obtenir un rendez-vous chez un médecin généraliste ou spécialiste, crise profonde de l’hôpital soumis à de dramatiques difficultés de recrutement, prise en charge insuffisante de la perte d’autonomie : voilà les principaux enjeux, immédiats, prioritaires, auxquels ils sont confrontés pour accéder aux soins.
Il faut, par ailleurs, sortir notre système de santé des ornières dont il ne peut se dégager depuis trop longtemps : complémentarité insuffisante entre les soins de ville et l’hôpital, excessivement sollicité, système exagérément organisé autour des soins au détriment de la prévention, autour de la croyance dans la toute-puissance d’un Etat central au détriment du formidable potentiel des acteurs de terrain : collectivités locales, associations de patients, professionnels de santé, partenaires sociaux, complémentaires santé… Un Etat central qui, face à la hausse des dépenses de santé sous le poids du vieillissement de la population, du développement des maladies chroniques et du progrès technique, ne trouve que des solutions comptables – ou le recours à la dette sociale – pour masquer temporairement les déficits qu’il génère structurellement.
Efficience et solidarité
A tous ces enjeux vient s’ajouter celui de la dégradation de l’environnement et du changement climatique, dont la crise liée au Covid-19 confirme l’évidence. A court terme, le financement de la protection sociale sera confronté simultanément à l’accélération des dépenses de santé et à un ralentissement des recettes en raison de la répercussion du changement climatique sur la croissance du produit intérieur brut.
Dès lors, au regard de l’ensemble de ces enjeux, nous sommes convaincus que la première des priorités consiste à réunir l’ensemble des acteurs du monde de la santé et de la protection sociale pour élaborer ensemble un système plus efficient, plus solidaire et plus soutenable au bénéfice de tous.
Ces réflexions sont guidées par la conviction que les problématiques structurelles de notre système de protection sociale ne sont pas inéluctables et par la volonté de rechercher collectivement un ensemble de solutions pour y répondre : la promotion d’une culture de santé publique et de prévention, la préservation d’un accès aux soins pour tous, aujourd’hui menacé par l’extension des déserts médicaux, la préservation d’une industrie de santé innovante, une prise en charge de la perte d’autonomie, la soutenabilité financière à long terme de la Sécurité sociale, dans un cadre renouvelé et pluriannuel de la gouvernance, et, enfin, la valorisation des données au service de tous ces enjeux.
Liste des signataires : Sophie Beaupère, déléguée générale d’Unicancer ; Patrice Bouchaïb, secrétaire général du Syndicat national des psychologues et psychothérapeutes (SNPP) ; Jocelyne Cabanal, secrétaire nationale de la Confédération française démocratique du travail (CFDT) ; Eric Chenut, président de la Fédération nationale de la mutualité française (FNMF) ; Marie-Sophie Desaulle, présidente de la Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne privés solidaires (Fehap) ; Laurent Escure,secrétaire général de l’Union nationale des syndicats autonomes (UNSA) ; Lamine Gharbi, président de la Fédération de l’hospitalisation privée (FHP) ; Jean-Paul Ortiz, président de la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) ; Frédéric Romain, secrétaire confédéral de la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC), chargé de la protection sociale ; Hugues Vidor, président de l’Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire (UDES).
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