Par Léa Sanchez Publié le 5 janvier 2022
Les indicateurs quotidiens de criblage ne permettent plus de suivre la progression du variant B.1.1.529 sur le territoire français.
Une quarantaine de jours après la détection sur le territoire français du contagieux variant Omicron, classé comme« préoccupant », les contaminations par le SARS-CoV-2 continuent à grimper en flèche. Mais parmi les plus de 1,1 million de personnes déclarées positives au Covid-19 durant les sept derniers jours, combien d’infections à Omicron ? Difficile de le savoir : les indicateurs de suivi de la circulation des variants en France en quasi-temps réel ne sont plus fiables. Les autorités sanitaires ont changé par trois fois, au cours du mois de décembre, la politique de surveillance des nouveaux variants.
Depuis juin 2021, la stratégie consistait à observer, parmi les résultats des tests RT-PCR criblés, la circulation de trois mutations du SARS-CoV-2 jugées « d’intérêt », car associées à une possible hausse de la transmissibilité du virus ou à un « possible échappement immunitaire ». Ces données mises à disposition par Santé publique France (SPF) étaient nommées A, B et C. Suivre des mutations et non plus des variants, comme c’était le cas de janvier à juin 2021, avait pour intérêt de repérer de manière plus réactive l’arrivée d’un nouveau variant. C’est ainsi qu’avait été observée la progression de la mutation L452R, avant tout portée par le variant Delta.
Si ce procédé dit de « criblage » n’identifie que des suspicions de variant, il a l’avantage d’être rapide et de pouvoir être employé à grande échelle : près de 120 000 tests RT-PCR de criblage ont été pratiqués du 19 au 25 novembre 2021, selon SPF. C’est la raison pour laquelle il est utilisé en complément du séquençage, une technique qui lit l’intégralité du génome du virus mais ne peut concerner qu’un faible nombre de cas positifs (autour de 10 000 par semaine) et est plus lente, donc moins efficace pour un suivi au plus proche de la circulation du virus.
Parmi les trois mutations surveillées par le criblage depuis sept mois, aucune n’est présente dans le génome d’Omicron. Mais les autorités sanitaires peuvent tout de même surveiller le variant. A la fin de novembre, la direction générale de la santé (DGS) donne ses consignes.
27 novembre : les laboratoires priés de procéder par élimination
Comme les virus ne portant aucune de ces trois mutations sont minoritaires, il est possible « par élimination de suspecter un potentiel cas du variant Omicron » quand le criblage est négatif pour les mutations recherchées, notamment la L452R (portée essentiellement par Delta), explique Santé publique France. En complément, les laboratoires équipés avec des dispositifs RT-PCR de la marque Thermo Fisher sont invités à identifier par la lettre D, dans le portail de surveillance Sidep, l’absence de détection du gène S, qui suggère une mutation caractéristique d’Omicron.
SPF s’appuie sur cette méthode par élimination pour observer l’accélération d’Omicron : du 13 au 19 décembre, 10,6 % des tests criblés n’ont aucune des trois mutations A, B et C, contre seulement 2,8 % la semaine précédente. Cette démarche est imparfaite, puisque d’autres variants peuvent être confondus avec Omicron, mais elle reflète une tendance, avec un décalage de quelques jours seulement.
C’est aussi cette méthode qui a permis au site Covidtracker, et à notre tableau de bord dédié, d’informer sur la diffusion probable d’Omicron en France. Mais ce thermomètre reposant sur les données mises en ligne par SPF va perdre de sa fiabilité.
2 décembre : de nouvelles mutations à rechercher en complément
Le jeudi 2 décembre, la DGS décide, dans un message envoyé aux professionnels de santé, d’ajouter un « complément » au criblage, avec la recherche directe de trois nouvelles caractéristiques – la mutation N501Y ou la substitution K417N ou encore la délétion 69-70 – dont le résultat est identifié par la colonne D.
Cela crée une perturbation dans la mise à disposition en accès libre des résultats du criblage car une partie de ceux-ci, à cause de cette colonne D, n’est pas prise en compte. La chercheuse Florence Débarre, spécialiste de biologie évolutive au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), note dès le 10 décembre, une baisse du nombre de tests criblés renseignés dans les données publiques.
Néanmoins, en s’appuyant sur ces données, la chercheuse s’alarme quelques jours plus tard de la « sérénité » alors affichée par le gouvernement face au nouveau variant. A l’instar de quelques autres observateurs, elle anticipe la forte hausse des cas de Covid-19 des jours suivants : à ce moment, la part des cas possibles d’Omicron en Ile-de-France, déduite à partir des prélèvements RT-PCR positifs criblés qui ne présentent pas la mutation L452R spécifique à Delta, atteint déjà 25 % en Ile-de-France et progresse rapidement.
Mais une nouvelle décision va encore perturber le suivi d’Omicron.
20 décembre : un changement des mutations d’intérêt à cibler
A partir du 20 décembre, les laboratoires sont enjoints par la DGS de cibler une « combinaison de mutations spécifiques à Omicron »(délétion 69/70 ou substitution K417N ou substitution S371L-S373P ou substitution Q493R), alors que la mutation E484Q (B) n’a plus besoin d’être recherchée. Ce changement permet de cibler Omicron de manière plus spécifique, mais nuit à la surveillance par élimination qui était encore possible à partir des données ouvertes de SPF.
Cette évolution est à l’origine d’« une baisse artificielle de la part de criblage des mutations d’intérêt, car cet indicateur ne prend [pas]encore en compte [la] nouvelle stratégie », explique SPF, qui justifie devoir s’assurer de « son adoption par le plus grand nombre de laboratoires et de la qualité, la fiabilité et la complétude des données remontées » avant de mettre à disposition en open data les nouveaux indicateurs de criblage.
Résultat : seule une infime part des résultats du criblage est désormais disponible, au désespoir des chercheurs et des utilisateurs des données ouvertes.
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