par Anaïs Moran publié le 11 avril 2021
Mode d’utilisation, fiabilité, utilité... «Libération» fait le point pour tout savoir sur ces tests antigéniques à réaliser soi-même.
C’est le petit nouveau dans la boîte à outils de dépistage du Covid-19. L’autotest, dont l’utilisation a été validée mi-mars par la Haute Autorité de santé (HAS), a fait l’objet ce week-end d’un feu vert gouvernemental par décret pour sa mise en rayon dans les pharmacies dès lundi. Selon les dernières déclarations du ministre de la Santé, Olivier Véran, l’exécutif souhaite ensuite le déployer dans les écoles, puis les lycées lors de leur rentrée scolaire respective. Alors, comment ça marche et quelles sont ses limites ? Petit résumé.
D’abord, le point technique. L’autotest fonctionne sur une méthode de prélèvement de troisième type, puisqu’il ne s’agit ni du salivaire ni du nasopharyngé, mais bien d’une ponction dite «nasale» : moins invasive et par extenso plus praticable que le second, il s’agit d’introduire un écouvillon dans les narines sur trois à quatre centimètres, et de le faire tourner cinq fois sur lui-même avant de le retirer. Son procédé d’analyse est en revanche déjà bien connu, puisqu’il s’agit d’un autotest antigénique (le principe est de détecter un morceau de protéine du virus, l’antigène). Le coton-tige doit donc être ensuite plongé dans un liquide réactif (qui sera dans le kit), puis ce mélange sera déposé dans une petite boîte, qui fera vite apparaître (dans les trente minutes suivantes) une bandelette colorée en cas de détection du Sars-CoV-2 (à la manière d’un test de grossesse).
«Un intérêt très limité»
Il y a un mois, la HAS déclarait «en cours» les analyses sur les performances diagnostiques de ces tests antigéniques par prélèvement nasal. Rapportant toutefois, dans son avis du 15 mars, que «les premiers éléments bibliographiques disponibles ont rapporté des sensibilités cliniques de l’ordre de 80% à 95% chez les patients symptomatiques et de l’ordre de 50% à 60% chez les personnes asymptomatiques». La particularité de l’auto-prélèvement, elle, n’a pas du tout été évaluée. «Il ne va pas falloir juste chatouiller le bout de ses narines, sinon ce n’est pas la peine de le faire, prévient Gilles Bonnefond, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (Uspo). La grosse crainte, c’est d’avoir des faux négatifs et que les gens interprètent cela comme une assurance pour stopper les gestes barrières.»
Ensuite, le public cible. Ne pourront acheter le kit en pharmacie que les individus âgés de plus de 15 ans et asymptomatiques, «pour leur seul usage personnel», précise le décret daté de samedi. Le prix a été fixé à 6 euros l’unité (puis 5,20 euros à partir du 15 mai), mais sera gratuit pour les salariés des services à domicile et les accueillants familiaux accompagnant des personnes âgées ou en situation de handicap. «Avec une efficacité moins importante sur les personnes sans symptômes, l’autotest a tout de même un intérêt très limité, analyse Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France. Si certains l’achètent en officine par précaution, avant un rendez-vous professionnel ou familial, ça nous permettra au mieux d’attraper quelques cas positifs supplémentaires… Mais ils ne sont pas plus rapides que les tests antigéniques pratiqués par des pharmaciens, et en plus ils sont payants !» Dubitatif quant à l’utilité ponctuelle et individuelle de l’achat d’un autotest en pharmacie, Philippe Besset croit toutefois à son usage dans un cadre de dépistage massif. Comme indiqué par Olivier Véran, l’autotest, qui devrait être déployé dans les écoles à la rentrée, pourrait être un «vrai plus» si «la récurrence suit, à hauteur d’un usage deux fois par semaine», dit le pharmacien. L’idée de le distribuer également aux populations les plus précaires, éloignées des systèmes de soins, «par l’intermédiaire de la Croix-Rouge et d’autres associations, ne doit pas seulement être envisagée», insiste-t-il. Petit nœud concernant les écoles : pour l’heure, la HAS n’a recommandé l’usage de l’autotest qu’aux plus de 15 ans.
«Absence de traçabilité»
En termes de défauts d’utilisation, l’autotest pose aussi question sur sa capacité à s’insérer dans la stratégie de suivi épidémiologique et de contact-tracing. Contrairement aux tests PCR et aux tests antigéniques «classiques», dont les résultats sont entrés dans les bases SI-DEP et Contact-Covid par les professionnels de santé (puis utilisés par les équipes de Santé publique France et de l’Assurance maladie), l’autotest se retrouve hors champ. «Cette absence de traçabilité peut être préjudiciable», avait alerté la HAS dans son avis de mars, recommandant que tout résultat positif d’un autotest soit systématiquement complété d’un test de dépistage RT-PCR. La mise en application va-t-elle suivre ? «Il est difficile de mesurer le nombre d’individus positifs à l’autotest qui iront jusqu’au bout du processus avec un PCR, explique Gilles Bonnefond. Le danger, si les personnes gardent leur positivité pour elles, c’est clairement la perte d’information. Ce n’est pas un petit enjeu, car tous les cas contacts vont être perdus. Et le taux d’incidence pourra être réellement biaisé.»
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