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samedi 23 mai 2020

« Mourir devient une erreur médicale », une interview du Dr Luc Perino




Paris, le samedi 23 mai 2020 - Le dernier livre de Luc Perino « Patients zéro – Histoires inversées de la médecine » nous offre une pause qui nous fait prendre de la hauteur. A travers chaque récit, l’auteur, médecin diplômé d'épidémiologie et de médecine tropicale, fait une analyse sans concession des errements, des excès et des dérives de la médecine d’hier et d’aujourd’hui. Un livre éclairé à l’humour corrosif qui interroge nos convictions. Luc Perino revient pour le JIM sur cette autre histoire de la médecine à l’aune de la crise sanitaire d’aujourd’hui apportant un éclairage intéressant, même s'il sera parfois probablement discuté.

JIM.fr : Vous racontez l’histoire de Steevy, né avec un os pénien, mémoire génétique du baculum d’homo sapiens. Selon vous, le passé évolutif de l’espèce humaine devrait-il être pris en considération dans l’enseignement de la médecine ?

Luc Perino : Est-il possible d’apprendre l’architecture sans connaître la géométrie ? Si l’homme n’est pas un être biologique, il faudra qu’on me le dise. Avant les biologistes, les naturalistes regardaient la beauté des œuvres de Dieu qu’ils décrivaient. Puis, un jour c’est devenu une science avec la biologie de l’évolution. Et curieusement cette science n’est pas enseignée en médecine ce qui est tout à fait désolant car cela nous permettrait d’appréhender beaucoup mieux la sémiologie, la pathologie, la physiologie… et de les voir de beaucoup plus haut. Peut-être que cela nous éviterait quelques erreurs. C’est mon opinion confirmée par l’expérience.

JIM.fr : Vous dénoncez les ministères et industriels qui, dites-vous, ne se préoccupent pas de la génération suivante. Vous prenez l’exemple de Grégor, né sans oreilles suite à la prise d’un anti-nauséeux par sa mère. Selon vous, les médicaments proposés dans les indications de symptômes induits par l’évolution auraient-ils inévitablement un rapport bénéfices-risques négatif ?

Luc Perino : La thèse selon laquelle les nausées et vomissements gravidiques sont une mesure de protection mise en place chez de nombreuses espèces de mammifères existe depuis longtemps. Cela permet de protéger le fœtus des poisons et toxiques présents dans la nature particulièrement néfastes au premier trimestre de la grossesse. Mais pendant très longtemps, le placenta a été considéré comme une barrière infranchissable. Pourquoi ? Probablement qu’un jour un grand académicien ou un grand universitaire a décrété que c’était une barrière infranchissable ! Alors, on a donné des médicaments aux femmes enceintes, n’importe quel produit, de l’alcool aussi d’ailleurs ! Si vous regardez les livrets de santé datant d’avant les années 1940, il était déconseillé à la femme enceinte de boire plus d’un litre et demie de vin par jour ! Les idées sur le franchissement de la barrière placentaire sont très récentes et viennent de ce drame du thalidomide. Le grand mythe est alors tombé. C’est l’histoire de la médecine ! Depuis, nous réfléchissons un peu plus. D’abord avec les médicaments qui ne sont pratiquement plus donnés durant le premier trimestre de la grossesse et puis parfois, il faut se dire « non » car peut-être l’abstention du patient est la meilleure des solutions pour différentes raisons. D’une part pour protéger le fœtus et surtout, une bonne explication donnée à la mère, comme dans le cas des vomissements, a un effet thérapeutique d’apaisement et de baisse de l’anxiété puisqu’elle se sent protectrice de son enfant. C’est une valeur ajoutée à sa grossesse et le vomissement n’est plus une anomalie.


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