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lundi 9 décembre 2019

Les invariants de la mort, décryptage des rites funéraires à travers le temps

Eric Crubézy, anthropologue surnommé « Sherlock Holmes du monde des mort », décrypte les rites funéraires à travers le temps.
Par   Publié le 05 décembre 2019 
Le livre. Eric Crubézy a une rare familiarité avec la mort. Non pas qu’il soit entrepreneur de pompes funèbres, médecin légiste, spécialiste des catastrophes ou des zones de conflits… Professeur d’anthropo­biologie à l’université de Toulouse et directeur du laboratoire Anthropologie moléculaire et imagerie de synthèse, il est, comme on l’avait écrit dans ces colonnes à l’occasion d’une rencontre en 2002, le « Sherlock Holmes du monde des morts ». De la France à la Sibérie orientale, de l’Egypte à la Bolivie, cet archéologue a, pendant plus de trois décennies, fouillé des sépultures et des nécropoles sur presque tous les continents, décryptant à partir des dépouilles la vie des humains et les sociétés dans lesquelles ils avaient vécu. Il lui est aussi arrivé, comme il le raconte, de rendre visite « aux morts et à leurs familles dans les villages et les hôpitaux, où [il donnait] parfois un coup de main pour préparer les corps ».
Dans son dernier livre, Eric Crubézy s’attache à décortiquer les rites funéraires à travers le temps et l’espace, la manière dont Homo sapiens s’occupait jadis et s’occupe aujourd’hui des cadavres. « On peut les inhumer, les brûler, les dépecer, les décharner, les articuler comme des pantins, les faire sécher au vent ou à la fumée, les embaumer, les manger, les exposer sur des tréteaux ou les abandonner », écrit-il dans son introduction. Une variété de traitements derrière laquelle se cache, devine le chercheur, un fonds commun à toutes les pratiques. Des invariants de la mort.

Trois étapes systématiques

Les rites funéraires doivent résoudre de nombreux problèmes, certains très pragmatiques (ne pas s’exposer à la putréfaction du cadavre), d’autres d’ordre psychologique (gérer la douleur, voire la sidération des proches), d’autres enfin à caractère plus symbolique comme le devoir de mémoire envers le disparu. Ils ont tous en commun de séparer le mort du monde des vivants. Qu’il y ait sépulture ou pas, que le mort soit mangé par ses proches ainsi que le faisaient les Fore en Nouvelle-Guinée il y a encore quelques décennies, ou que son cadavre soit mis en scène, assis et emmailloté de bandelettes, comme chez les Fali du Cameroun, trois étapes reviennent systématiquement.
Tout d’abord voir la dépouille, ce qui permet aux proches de prendre conscience que la personne est décédée. Puis cacher le mort, le congédier en quelque sorte, afin d’enclencher le processus de deuil chez ceux qui restent. « Si le “voir” et le “cacher” sont tant ritualisés, souligne Eric Crubézy, c’est que les rites, grâce à leur portée symbolique, facilitent l’élaboration psychologique de la perte. Ils apportent un soutien en balisant l’affliction et en fournissant des schémas de conduite. » Enfin vient la troisième et ultime étape, une métamorphose que l’auteur nomme « sacralisation » – sans qu’il y ait dans ce mot de connotation religieuse –, la création d’un autre monde pour le mort qui est transformé en défunt, quittant le statut d’être.
« Aux origines des rites funéraires. Voir, cacher, sacraliser », d’Eric Crubézy (Odile Jacob, 256 p.

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