Pierre Thomas, médecin psychiatre au CHRU de Lille, estime qu’il faut augmenter les effectifs dans les centres pénitentiaires pour mieux prévenir le suicide en prison. - VDN
– Comment se déroule la prise en charge des détenus suicidaires ?
« Il y a eu des progrès dans la prise en charge des détenus suicidaires mais ça reste difficile. Il faut qu’ils aient accès aux soins et soient en mesure de les solliciter. Souvent, il n’y a pas de demande directe. Lorsqu’un surveillant repère des détenus qui s’isolent, il faut qu’il en parle à sa direction. »
– Comment l’améliorer pour les détenus à risque ?
« Il faut cibler les personnes vulnérables, faciliter leur accès aux soins, et installer des psychiatres sur l’ensemble des prisons. En matière de prévention, on ne peut pas se dispenser du soin. Mais dans des établissements pénitentiaires plus lointains, comme celui de Longuenesse, il n’est pas facile de faire venir des médecins. L’un des objectifs est d’augmenter ces effectifs médicaux dans les prisons les plus distantes. »
– Le suicide en prison, est-ce encore un sujet tabou ?
« Il y a un énorme progrès dans ce domaine en raison d’une nécessité : il y a sept fois plus de risques de suicide chez les détenus que dans la population générale. Entre 100 et 120 décès par suicide en France chaque année. La population des détenus est particulièrement vulnérable, davantage soumise à la dépression et à des problèmes mentaux. Un détenu sur deux a des troubles mentaux. Tout le monde est alerté, notamment l’administration pénitentiaire qui forme mieux les surveillants pour identifier les comportements à risques. Les médecins interviennent aussi dans les centres pénitentiaires, donc il y a un dialogue qu’il faut entretenir. »
– Comment détecter un détenu suicidaire ?
« Il y a bien souvent des modifications dans le comportement du détenu, souvent après un parloir qui se passe mal, où il peut y avoir des ruptures familiales importantes. Le surveillant de prison peut voir le retrait, l’isolement, le détenu peut proférer des idées noires, voire suicidaires. Mais parfois, il arrive que ce ne soit pas détectable, ça ne se voit pas. »
– Quelles sont les périodes à risques ?
« C’est généralement l’entrée ou la sortie de détention qui sont très difficiles. Ça peut l’être aussi pendant la détention, il peut y avoir un problème avec la justice qui peut parfois être extrêmement lente, ça peut générer des moments de détresse, de désespoir. Ce sont des moments interférents, surtout si la personne est déjà vulnérable. »
Où sont traités les troubles mentaux des détenus longuenessois ?
À Longuenesse, au centre pénitentiaire qui accueille plus de 800 détenus (capacité de 600 places), il existe une unité sanitaire en milieu pénitentiaire (USMP) ouverte en 1999, rattachée depuis 2001 à l’hôpital d’Helfaut avec des médecins et personnel médical. Un psychologue est présent pour les détenus qui en ont besoin, mais il tourne sur plusieurs établissements.
Lorsqu’il y a des besoins plus intensifs, les détenus longuenessois sont renvoyés vers une unité hospitalière spécialement aménagée (UHSA), il en existe 9 en France dont une à Seclin, ouverte en 2013, où sont hospitalisés en milieu carcéral une soixantaine de détenus présentant des pathologies psychiatriques. Des détenus peuvent aussi être pris en charge à Seclin, en hospitalisation de jour, au sein de service médico-psychologique régional (SMPR) qui traite les crises suicidaires, les dépressions. Au regard du nombre de détenus présentant des troubles mentaux, le nombre de places demeure largement insuffisant, selon le professeur Pierre Thomas.
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