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jeudi 12 décembre 2019

Homosexualité : des «thérapies» à rendre malade

Par Virginie Ballet — 
Les «thérapies de conversion» ont concerné 4,2 % des appels reçus par le refuge.
Les «thérapies de conversion» ont concerné 4,2 % des appels reçus par le refuge. 
Photo AKATRE

La mission parlementaire sur «les pratiques prétendant modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne» a rendu son rapport mercredi. Une proposition de loi est à l’étude pour lutter contre ces méthodes insidieuses.

Un homme homosexuel menacé de mort pour qu’il épouse une femme et ait des enfants. Une jeune femme lesbienne à qui un sexologue recommande de suivre des séances d’hypnose, au cours desquelles des messages à caractère sexuel lui sont répétés dans le but «d’habituer son corps à la pénétration masculine». Un pasteur parisien qui estime que l’homosexualité d’une jeune femme «est le fait d’esprits qui l’empêchent de suivre le plan de Dieu». Ou encore des exorcismes menés pour «chasser le démon de l’homosexualité» et pouvant aller jusqu’à des sévices sexuels ou l’excision de femmes lesbiennes… Autant de pratiques communément appelées «thérapies de conversion» et épinglées ce mercredi par deux députés, qui estiment que «l’intervention du législateur est nécessaire».

«Mieux vaut mourir»

Laurence Vanceunebrock-Mialon, députée LREM de l’Allier, et Bastien Lachaud, élu LFI de Seine-Saint-Denis, ont rendu publiques les conclusions de leur mission parlementaire, lancée cet été, sur «les pratiques prétendant modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne.» Dans le cadre de ces travaux, les deux élus ont auditionné une soixantaine de personnes pour livrer un état des lieux le plus précis possible de ­dérives à la fois religieuses, sociétales et médi­cales, qui recouvrent en France un «spectre large de pratiques souvent insidieuses», et ­jusque-là peu documentées. Tandis qu’aux Etats-Unis, où ont éclos ces «thérapies de conversion» dans les années 50, environ 700 000 personnes (dont une moitié d’adolescents) pourraient être concernées, le phénomène demeure difficile à quantifier dans l’Hexagone, notamment en raison de l’absence de délit spécifique dans le droit français, ainsi que de la difficulté des vic­times à prendre la parole, selon les deux parlementaires. Néanmoins, Laurence Vanceunebrock-Mialon et Bastien Lachaud évoquent une centaine de cas récents parvenus à leur connaissance et estiment que ces dérives prennent de l’ampleur en France. Ainsi, selon l’association Le refuge, qui vient en aide à des jeunes victimes de LGBT phobie, estime que les «thérapies de conversion» ont concerné 4,2 % des appels reçus sur sa ligne téléphonique en 2019, soit une dizaine d’appels par mois.
Pour les deux députés, il y a donc urgence à agir face à des dérives qui reposent sur «une conception fausse et archaïque de l’homosexualité», et peuvent engendrer dépressions, troubles de la personnalité, voire idées suicidaires chez les victimes. L’une d’entre elles, auditionnée dans le cadre de ces travaux, a confié s’être sentie «complètement vulnérable», «en totale déconstruction intellectuelle», jusqu’à penser : «Mieux vaut mourir que rester seule.» Organisation de retraites spirituelles pendant les vacances scolaires ou encore accompagnement vers une «vie chaste», donc sans sexualité, peuvent ainsi être proposés à des personnes homosexuelles. Pour Laurence Vanceunebrock-Mialon, légiférer serait «offrir la liberté d’être soi-même à une partie de la ­population». En Europe, seul Malte a interdit officiellement ces pratiques, dès 2016, les rendant passibles de peines allant jusqu’à un an de prison et 10 000 euros d’amende. Ailleurs dans le monde, le Brésil ou encore la province de l’Ontario au Canada, ainsi que certains Etats américains comme la Californie, ont également pris position contre. En mars 2018, le Parlement européen a adopté un texte, non contraignant, encourageant les pays de l’UE à faire de même. Des débats sont en cours en Allemagne, ainsi qu’en Belgique.

«Valeur symbolique forte»

En France, ce n’est pas la première fois que les thérapies de conversion sont montrées du doigt. Dès 2012, la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives ­sectaires (Miviludes) avait mené, pendant plusieurs mois, une «action d’observation» des agissements du groupe Torrents de vie, à la demande du gouvernement. Cette organisation protestante évangélique est une nouvelle fois montrée du doigtépinglée par la mission parlementaire ce mercredi, tout comme le groupe catholique Courage. Les auteurs font également état de pratiques similaires rapportées au sein de communautés religieuses protestantes, mais aussi juives ou musulmanes. En avril 2018, comme l’avait révélé Libération, Laurence Vanceunebrock-Mialon avait déjà rédigé une proposition de loi à ce propos, estimant dans nos colonnes que «si la France est le pays des droits de l’homme, elle ne peut pas rester silencieuse sur cette question». Le texte, qui devait être présenté dans le cadre d’une niche parlementaire de la majorité, avait finalement été éclipsé. Mais une nouvelle proposition de loi devrait voir le jour «dans les mois à venir», s’appuyant sur les travaux de cette mission parlementaire.
Ses deux rapporteurs ont souligné que si le droit français «permet déjà de sanctionner certaines pratiques, à l’instar de l’abus de faiblesse, des faits de violence, de l’exercice illégal de la médecine et de l’escroquerie», les textes peuvent s’avérer «peu lisibles». Créer un délit spécifique aurait «une valeur symbolique forte» selon les rapporteurs, qui suggèrent, à défaut, d’assimiler ces «thérapies» au délit de harcè­lement sexuel, et d’en faire une circonstance aggravante pour les faits de violence commis sur des mineurs de 16 à 18 ans. Autre préconisation : mieux encadrer les pratiques des professionnels de santé, en modifiant le code de déontologie médicale pour intégrer l’interdiction de ces dérives aux dispositions relatives à la non-discrimination des patients. Pour rappel, l’Organisation mondiale de la santé a retiré l’homosexualité de la liste des pathologies mentales en 1990. Deux ans plus tard, l’homosexualité n’était officiellement plus considérée comme une maladie en France.

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