Objectif de deux enquêtes sanitaires publiées mardi : « mieux prévenir et soigner les conséquences négatives de tels événements ».
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Trois ans après les attentats du 13 novembre 2015 qui ont causé la mort de 130 personnes à Paris et à Saint-Denis et fait plus de 400 blessés, deux études menées par Santé publique France (SPF) et l’université Paris-XIII révèlent pour la première fois l’ampleur des impacts psychologiques et des « troubles de santé post-traumatiques » causés par ces événements. Objectif de ces enquêtes publiées mardi 13 novembre : « Mieux prévenir et soigner les conséquences négatives de tels événements » et « aider les institutions amenées à intervenir après un attentat à améliorer la prise en charge et la préparation de leur personnel ».
Entre juillet et novembre 2016, 526 personnes « civiles » diversement exposées aux attentats (hors personnel intervenant et soignant) ont répondu à un questionnaire mis en ligne par SPF. Ces volontaires ont été répartis en trois catégories : les témoins, les « menacés directs » et les « impliqués indirects », c’est-à-dire les proches de victimes. « En étant assez ouverte, la méthodologie de l’étude a permis d’attirer l’attention sur des populations un peu oubliées, comme les endeuillés et les témoins », relève le psychiatre Thierry Baubet, responsable de la cellule d’urgence médico-psychologique (CUMP) de Seine-Saint-Denis (hôpital Avicenne, AP-HP) et co-investigateur principal de l’étude.
Moins d’un an après les attaques, plus de la moitié (53,6 %) de ceux qui ont été directement menacés lors des attentats et près d’un quart (24,9 %) de ceux qui en ont été témoins présentent les symptômes d’un trouble de stress post-traumatique. Un syndrome qui se manifeste par des pensées intrusives, des conduites d’évitement, des altérations cognitives et de l’humeur et qui peut avoir « de lourdes répercussions sur les relations familiales et sociales, les capacités de travail ainsi que sur la survenue de troubles addictifs, dépression, idées suicidaires et troubles somatiques ».
« Pourquoi les témoins directs ne suivent pas de soins »
Autre enseignement de l’étude, qui vient conforter les résultats d’une précédente enquête menée après les attentats de janvier 2015 : les proches de personnes décédées lors des attentats présentent un stress post-traumatique dans des proportions aussi élevées (53,9 %) que les personnes qui ont été directement menacées (53,6 %) par les terroristes. A 49,4 %, ces « endeuillés » présentent également des symptômes dépressifs.
« Il y a chez ces personnes à la fois les complications du deuil et les complications du traumatisme, ce qui conduit à des tableaux cliniques complexes et des difficultés de prise en charge », souligne Thierry Baubet.
« C’est un enjeu de santé publique de voir comment vont évoluer ces deuils compliqués qui peuvent créer un handicap social », ajoute Philippe Pirard, épidémiologiste à Santé publique France, l’autre co-investigateur de l’enquête. A cette fin, une deuxième phase d’enquête doit être menée au premier semestre 2019.
Les coordonnateurs de l’étude se disent également frappés par les faibles pourcentages de personnes bénéficiant d’un suivi psychologique régulier parmi celles présentant un trouble de stress post-traumatique. Un tiers de celles qui ont été menacées (soit 27 personnes) et près des deux tiers de celles qui ont été témoins (soit 31 personnes) ne sont pas suivies. « Il y a un point d’alerte pour savoir pourquoi les témoins directs ne suivent pas de soins, estime Philippe Pirard.Est-ce parce qu’ils ne se sentent pas légitimes ? Parce qu’ils n’ont pas suffisamment d’information ? Il y a quelque chose à creuser de ce côté-là. »
L’étude révèle par ailleurs que parmi les répondants qui occupaient un emploi au moment de remplir le questionnaire, 56 % déclarent avoir eu un arrêt de travail après les attentats et « 5 % ne pouvaient pas retourner travailler au moment où elles ont rempli le questionnaire », sans préciser, à ce stade, davantage l’impact des attentats sur l’emploi et l’intégration sociale des personnes exposées.
L’impact psychologique chez les intervenants
Parallèlement à cette enquête, une autre étude s’est attachée à l’impact psychologique des attentats chez les intervenants. Huit à douze mois après les attaques, 3,5 % des pompiers de Paris qui étaient intervenus le 13 novembre et qui ont répondu au questionnaire ont développé un trouble de stress post-traumatique, 9,9 % des forces de l’ordre et 4,5 % des professionnels de santé.
Si les coordinateurs de l’étude soulignent la difficulté d’évaluer la « représentativité » de cet échantillon de 698 personnes « au regard de la diversité et du nombre des intervenants amenés à travailler suite aux attentats du 13 novembre », ainsi que du « mode de recrutement » des répondants, ils établissent néanmoins un lien entre le trouble de stress post-traumatique et l’intensité d’exposition, la « non-préparation aux événements traumatogènes » et l’isolement social des intervenants les plus touchés.
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