Fabienne Rigal
| 04.06.2018
Encore du « médecin-bashing » ? On pourrait s’en inquiéter, en prenant connaissance de l’avis adopté par la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), « Agir contre les maltraitances dans le système de santé : une nécessité pour respecter les droits fondamentaux ». La CNCDH a en effet auditionné de nombreuses associations de patients, pris en compte des avis du Défenseur des droits, de la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté, des articles de presse grand public, et des rapports d’associations (comme ATD Quart Monde).
Mais si l’avis fait la part belle à la parole des patients, elle laisse aussi largement s’exprimer les soignants et souligne que « loin de constituer une attaque contre le personnel soignant, le terme "maltraitance" renvoie ici aux dérives actuelles du système de santé français. (...) Il ne s’agit pas d’opposer les patients aux médecins et autres personnels de santé mais plutôt de mettre en évidence les souffrances subies par l’ensemble des acteurs du système médical, qu’ils soient soignants, patients, ou aidants », insiste la CNCDH.
Un système qui génère des maltraitances multiples
La CNCDH commence par faire le constat des multiples formes de maltraitances, et des publics qui en sont la cible, notant les « humiliations du quotidien, attitudes et paroles maladroites, déplacées ou discriminatoires », le « non-respect des droits des patients et du consentement libre et éclairé », le « refus de soins », « l’indisponibilité des traitements », et jusqu'aux « cas les plus extrêmes de traitements inhumains et dégradants ».
Elle rappelle aussi que si « la vulnérabilité (est) inhérente à la définition même d'un patient », certains d’entre eux sont plus souvent objets de maltraitances et de discriminations : « C'est le cas notamment des personnes vivant avec un handicap, des personnes lesbiennes, gay, bi et trans, des personnes en situation de pauvreté, des personnes étrangères, des personnes âgées ou des personnes perçues comme étant en surpoids », indique-t-elle.
Souffrance des soignants
La CNCDH revient aussi longuement sur l’épuisement (moral et/ou physique) ressenti par les soignants, le burn-out, les problèmes physiques et psychologiques et le risque (ou la survenue) de suicides. Elle s’insurge contre le non-respect de la réglementation du travail, le nombre d’heures par semaine trop important, le manque de personnel et souligne que ce constat « vaut aussi pour la médecine libérale ».
La CNCDH est sévère quant à la mise en place de la tarification à l’activité (T2A) à l’hôpital, dénonçant « une organisation productiviste » qui entraîne « une surmédicalisation » et « une durée de séjour la plus courte possible. »
ONDAM, évaluation globale, formation des médecins…
La CNCDH émet donc 32 recommandations qui ont pour but de « repenser le système de santé avec et pour les usagers et les professionnels afin de généraliser la bientraitance ». Elle suggère « d’aligner chaque année le plafond de l'ONDAM sur les prévisions de croissance « naturelle » des dépenses de santé (environ 4 %) et d'abandonner le principe de la T2A », d’initier une collecte de données globale (et non segmentée) sur la maltraitance, de créer « une protection maladie effectivement universelle ». Elle recommande aussi « au gouvernement d'utiliser la licence d'office et de fixer seul le prix du médicament », que « le langage des campagnes de masse soit respectueux de toutes les personnes ». Elle souhaite par ailleurs « un taux adéquat d’encadrement dans les établissements de santé et les EHPAD », et la « revalorisation des salaires des infirmiers et aides-soignants », mais aussi de « repenser la formation des médecins, en développant la prise en compte des qualités humaines ».
Création d'une base de données indiquant les structures accessibles aux personnes handicapées, développement des maisons de santé pluridisciplinaire, accompagnement des aidants… sont aussi au programme.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire