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mercredi 6 juin 2018

Faute de médecins, la prise en charge de l'addiction aux opiacés gravement menacée en France

Damien Coulomb
| 06.06.2018


Alors que débute à Paris le Congrès international d'Addictologie de l'ALBATROS, la prise en charge des patients dépendants aux opioïdes est-elle menacée en France ? C'est en tout cas la crainte soulevée par le nouveau groupe de réflexion Santé addictions. « Lors de l'arrivée des traitements de substitution, 80 % des patients étaient suivis en ville par des médecins qui représentaient 20 % des praticiens libéraux », explique au « Quotidien » le Dr Laurent Cattan, médecin généraliste à Paris et membre du groupe de réflexion. « Plus de 20 ans après, 80 % des prescriptions de TSO (traitements de substitution aux opiacés, NDLR) sont toujours faites en ville mais par environ 5 % des médecins », constate-t-il.

Pour le Dr William Loweinstein, président de SOS Addiction, ces chiffres illustrent le danger qui plane sur un modèle français qualifié de « unique au monde ». Ce dernier repose depuis les années 1990 sur « un large accès aux traitements de l'addiction aux opioïdes via les médecins généralistes et une bonne flexibilité grâce aux pharmaciens, poursuit-il. Aujourd'hui cette population de professionnels de santé est vieillissante, et peine à se faire remplacer. »
Les patients progressivement à l'abandon
À l’origine de cette désertification, le groupe de réflexion voit la double influence du vieillissement des médecins généralistes et du manque de nouvelles vocations parmi les jeunes qui s'installent. « Il y a un certain nombre d'idées reçues à ôter de la tête de nos jeunes collègues, estime le Dr Cattan. Ces derniers considèrent qu'un médecin qui fait de l'addictologie est forcément un archi-militant agissant en marge de la loi. La pathologie fait peur et le patient aussi. »
Miguel Velazquez, membre de l'association Auto-support et réduction des risques parmi les usagers de drogues (ASUD), ajoute : « Les patients se plaignent de ne pas trouver un généraliste qui accepte de prescrire des traitements de substitution aux opioïdes. Les patients doivent faire face à une stigmatisation, dans la société mais également auprès des professionnels de santé, alors qu’il n’y a en réalité que 10 % à 20 % de patients problématiques », précise-t-il.
Consultation longue et complexe
Afin de comprendre le phénomène, le groupe a commandé une enquête « coup de sonde » à l'institut de sondage OpinionWay, réalisé auprès de 102 de leurs confrères et 50 pharmaciens d'officine ayant au moins 5 patients avec un traitement de l'addiction aux opiacés. Il en ressort que 85 % des répondants prennent eux-mêmes en charge au moins un patient dépendant aux opioïdes : seulement 55 % de ces médecins initient un traitement. Parmi les médecins traitant des patients dépendants aux opioïdes, 72 % considèrent que cette addiction représente le trouble de l'usage le plus difficile à traiter après la cocaïne ce qui nécessite un allongement de 30 % du temps de consultation. Enfin, 88 % indiquent que la prise en charge des addictions aux opiacés amène à une certaine lassitude.
Le groupe formule plusieurs propositions concrètes, à commencer par le renforcement de la formation initiale et continue en addictologie et la revalorisation de la prise en charge des addictions par la création d'une consultation longue.
Un parcours de soins coordonné
Il propose que la HAS bâtisse un parcours de soins coordonné en ville. « Nous devons sortir de la logique de réseau et considérer les addictions comme des maladies chroniques », insiste le Dr Cattan. Le groupe Santé addictions suggère également d'évaluer la pertinence de la prise en charge à travers des indicateurs de suivi, d'intégrer de nouvelles formes de traitements dans des parcours spécifiques et de créer des modalités de prise en charge spécifiquement adaptées aux femmes. Ces dernières « ont plus de mal à se présenter chez les professionnels de santé », résume le Dr Cattan.
Le groupe prévoit de formuler des recommandations pour la rentrée, à destination des médecins généralistes.

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