Amandine Le Blanc
| 05.06.2018
Pas de consensus sur tous les sujets mais un socle important de valeurs communes. Le Comité consultatif national d’éthique(CCNE) a remis ce mardi son rapport de synthèse sur les États Généraux de la bioéthique. L’avis de l’instance suivra en septembre mais avec ce premier point d’étape, l’idée était de rendre compte de ce que le CCNE a vu, lu et entendu de la part des Français.
Sur la forme dans un premier temps, la mobilisation a été importante même si le président du CCNE, le Pr Jean-François Delfraissy, regrette que les Etats-Généraux n’aient atteint que trop insuffisamment « la France profonde et la banlieue », il reconnaît aussi une « présence militante » conséquente qui a pu « monopoliser la parole » sur certains thèmes, à l’image de la procréation. « Ce n’est pas du tout une vision de l’opinion française », tient à préciser le Pr Delfraissy.
Conserver l'humain avant tout
Sur le fond, quelles que soient les thématiques abordées, il ressort de ces États Généraux un consensus sur le partage de grandes valeurs éthiques nationales autour notamment de la non-marchandisation du corps, de l’autonomie. Les citoyens ont également fait émerger un thème qui n’avait pas été fixé au préalable par le CCNE : la place du citoyen et de l’humain dans le système de santé, dans la médecine du futur et sa gouvernance. Face notamment aux évolutions de la médecine, de la science, il est ressorti de manière forte la nécessité de ne pas déshumaniser la médecine. « Une clinique de l’écoute, de la « bientraitance », qui privilégie le colloque singulier entre le patient et le professionnel, est une revendication partagée par tous », explique ainsi le rapport. « Enseigner l’empathie et l’éthique aux médecins est, par exemple, considéré comme essentiel », ajoute-t-il. Les États Généraux ont montré une crainte de voir la « machine » se substituer à la relation humaine, mais aussi, qu’elle soit une source d’inégalités territoriales d’accès. La dérive d’utilisation frauduleuse ou abusive des données de santé a également été évoquée.
Rester solidaires avec les plus fragiles
L’humain au cœur du système de santé pour les citoyens c’est aussi la prise en compte des plus vulnérables, un autre élément fort qui ressort des débats. « L’attention a été particulièrement attirée sur les questions inhérentes au respect de la différence engendrée par la marginalité, la précarité et la pauvreté, qui sont sources d’exclusions du système de santé », explique le rapport. Les participants ont souligné l’insuffisance de la prise en charge des personnes vulnérables dans le système actuel et la crainte de voir les transformations du système mettre encore plus à mal cette prise en charge. Pouvoir « faire émerger de nouvelles formes de solidarité sociale » afin que le progrès profite vraiment à tous est donc un élément important pour les citoyens. Des Français qui soulignent aussi la nécessité de « prioriser les logiques du respect de la personne » et de veiller à « la non-prédominance des considérations économiques et efficientes dans l’organisation des soins ».
Le progrès médical a aussi pour conséquence de créer également une nouvelle barrière entre les Français et les professionnels. En effet Pr Jean-François Delfraissy, souligne qu’on perçoit de ces États Généraux un phénomène « nouveau dans le système Français », « une méfiance d’une partie des citoyens vis-à-vis des scientifiques et des médecins ». Le rapport du CCNE évoque ainsi « une inquiétude à propos des motivations des médecins et des scientifiques, et sur la notion même de progrès pour l’homme et l’humanité ».
PMA, fin de vie : des valeurs communes mais pas de consensus
Dans le détail de chaque thématique, quelques sujets ont peu mobilisé. C’est le cas des thèmes « Santé et Environnement » ou « Neurosciences » mais aussi des sujets du don du sang, du handicap, de l’accès à l’innovation thérapeutique coûteuse, des relations avec les industriels de santé ou de la place des addictions dans le système de soin.
Sur le thème de la procréation, il n’a pas été question que de PMA mais c'est quand même le sujet qui a le plus fait débattre. Malgré tout, un certain nombre de valeurs sont partagées : l’importance d’une structure familiale, la reconnaissance de la diversité actuelle des structures familiales, la responsabilité parentale vis-à-vis de l’enfant … Mais ce socle commun aboutit à des positions très différentes.
De la même manière sur la fin de vie, les citoyens partagent un certain nombre de constats : on meurt dans de mauvaises conditions en France, les moyens donnés sont insuffisants, la fin de vie touche surtout le 4e âge et la prise en compte et la connaissance de la loi Leonetti-Claeys par les professionnels de santé et les citoyens est insuffisante aujourd’hui. Mais encore une fois, au-delà de ces constats, les avis sur l’euthanasie ou le suicide assisté sont eux plus partagés.
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