S’inscrivant dans une série noire de violences meurtrières frappant de nombreux pays, tout nouvel attentat repose la question de la part d’un déterminisme psychiatrique chez le terroriste, et donc du rôle possible des psychiatres dans le repérage et la prévention de tels comportements antisociaux. Preuve de cette triste et récurrente actualité : la convergence d’écrits sur ce thème, dans des revues pourtant très différentes, comme le Bulletin d’Information des Psychiatres Privés (BIPP) qui consacre un dossier au problème « radicalité et psychiatrie», et European Psychiatry qui délivre un point de vue (à titre exceptionnel, anonyme, mais écrit « pour le compte du groupe de travail de l’Association Européenne de Psychiatrie ») sur le terrorisme et la violence de masse.
Lorsqu’on prend des kalachnikovs pour résoudre la souffrance sociale
Il est illusoire de faire encore appel au psychiatre « quand certains prennent des kalachnikovs pour résoudre leur souffrance sociale », mais une réflexion approfondie en amont de passages à l’acte désespérés contribuerait certainement à les raréfier. Quelles que soient leurs variantes : suicides by cop (par police interposée) où le sujet cherche délibérément à utiliser l’intervention des forces de l’ordre pour mettre fin à ses jours ; syndrome d’Erostrate où pour abréger une vie estimée trop terne et misérable, l’intéressé cherche à s’éclater –au propre comme au figuré– dans un bouquet d’artifice terminal qui fera les gros titres des journaux télévisés ; meurtre altruiste où la vie est jugée si dangereuse et l’avenir si préoccupant pour toute l’humanité que le sujet ne voit plus d’autre issue que de tuer ses proches, voire des étrangers, pour leur éviter des souffrances présumées plus terribles à endurer que la mort, laquelle passe alors pour une « délivrance » ou un « sacrifice purificateur », pour peu que des considérations sectaires ou délirantes viennent se greffer sur un fond pessimiste et dépressif...
Entre risque de stigmatisation et politique de l’autruche
Comme le rappelle European Psychiatry, « la relation entre la violence et des problèmes de santé mentale demeure un débat délicat », coincé entre le risque de stigmatiser des pensées « différentes » (de celles de la majorité silencieuse) et le risque de politique de l’autruche consistant à minimiser des troubles relevant assurément d’une pathologie psychiatrique : hallucinations, dépersonnalisation, intuitions délirantes, paranoïa, comportement suicidaire... Ces déclencheurs psychopathologiques dans la genèse d’un projet terroriste (ou d’un meurtre de masse) sont d’autant plus dangereux qu’ils surviennent souvent dans un contexte impliquant en parallèle une addiction à une drogue : alcool, cannabis, cocaïne... Comme le résume European Psychiatry, les relations entre psychopathologie, radicalisation ou/et terrorisme demeurent « complexes et mal comprises » et une « meilleure compréhension » de ces liens constitue donc « un besoin urgent » pour l’humanité.
Dr Alain Cohen
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