L’Anses reconnaît la réalité des troubles présentés par les personnes intolérantes aux ondes électromagnétiques et recommande leur prise en charge.
Des symptômes réels, mais pour l’instant inexpliqués, ce qui invite à poursuivre les recherches et à améliorer la prise en charge. Telles sont les conclusions de l’avis rendu mardi 27 mars par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), au sujet de la question très débattue de l’électrohypersensibilité, ou EHS.
Sous cette appellation – on parle aussi, en termes savants, d’intolérance environnementale idiopathique attribuée aux champs électromagnétiques – se cache une réalité aujourd’hui encore très mal reconnue. Celle des personnes souffrant d’affections diverses – troubles du sommeil et des rythmes circadiens (alternance entre la veille et le sommeil), fatigue, maux de tête, troubles de l’attention et de la mémoire, symptômes cutanés, hypersensibilité – qu’elles imputent à leur exposition aux ondes électromagnétiques.
Celles-ci peuvent être les radiofréquences émises par les technologies de communication sans fil (téléphones mobiles, Wi-Fi, antennes-relais, etc.), aussi bien que les champs électromagnétiques générés par les lignes et installations électriques ou par les appareils électroménagers. Le spectre est donc très large, ce qui rend le problème encore plus difficile à cerner.
Absence d’anomalies mesurables
Combien de personnes sont-elles dans ce cas ? Faute de critères de diagnostic et de classification faisant consensus et permettant un recensement précis, l’estimation repose sur l’autodéclaration des individus se considérant comme électrosensibles. L’Anses avance toutefois un chiffre fondé sur les études scientifiques les plus récentes. Il suggère une prévalence (nombre de cas au sein de la population) de l’ordre de 5 %, soit un total – considérable – d’environ 3,3 millions de Français souffrant, sous une forme ou sous une autre et à des degrés variables, de sensibilité exacerbée aux ondes électromagnétiques.
L’Agence de sécurité sanitaire a réuni un groupe de travail de quarante experts de plusieurs disciplines (épidémiologie, médecine, biologie, dosimétrie, sciences humaines et sociales) qui, pendant quatre ans, ont analysé l’ensemble de la littérature scientifique disponible, mais aussi auditionné des médecins hospitaliers et généralistes, des associations et collectifs de citoyens, des élus et, bien sûr, des électrosensibles. Ces données ont été enrichies par plus de cinq cents contributions reçues dans le cadre d’une consultation publique.
La première conclusion du groupe d’expertise est que « les douleurs et la souffrance formulées par les personnes se déclarant EHS correspondent à une réalité vécue ». Une position qui, à l’opposé d’un déni du mal-être des personnes concernées, constitue une reconnaissance des difficultés qu’elles rencontrent dans leur vie quotidienne.
L’origine encore inconnue de ces troubles
Pour autant, poursuit l’avis, « aucune preuve expérimentale solide ne permet actuellement d’établir un lien de causalité entre l’exposition aux champs électromagnétiques et les symptômes décrits ». Autrement dit, en l’état actuel de la science, l’origine de ces troubles demeure inconnue. En effet, des études dites « de provocation », dans lesquelles des sujets sont soumis à des champs électromagnétiques, n’ont pas fait apparaître « de symptômes ou d’anomalies biologiques ou physiologiques spécifiques à l’EHS ».
Selon les spécialistes, cette absence d’anomalies mesurables peut signifier que les symptômes décrits ne sont pas dus aux ondes électromagnétiques ; ou alors que les essais présentent des limites méthodologiques ne permettant pas de mettre en évidence certains effets biologiques ou physiologiques, qu’il n’est donc pas possible d’« exclure avec certitude ».
Aussi l’Anses préconise-t-elle de poursuivre les recherches, en « renforçant les interactions entre scientifiques et associations de personnes se déclarant EHS », en réalisant des études de suivi à long terme avec des protocoles expérimentaux appropriés, et « en pérennisant le financement de l’effort de recherche, notamment fondamentale, sur les effets sanitaires des radiofréquences ».
Un « isolement psychosocial »
En même temps, elle recommande une « prise en charge adaptée » des électrosensibles par le secteur social et le système de soins, afin de répondre à une détresse qui peut avoir des conséquences lourdes sur la qualité de vie, en conduisant parfois à un « isolement psychosocial ». Elle souhaite que la Haute Autorité de santé formule des recommandations en ce sens. Et elle préconise une formation des professionnels de santé et des acteurs sociaux « à l’accueil et à l’écoute des personnes se déclarant électrohypersensibles ».
Dès 2004, l’Organisation mondiale de la santé avait conclu que ces troubles restaient « inexpliqués sur le plan médical », mais que leurs effets étaient « préjudiciables pour la santé des personnes ». « Depuis, beaucoup de travaux ont été menés. Nous avons balayé l’ensemble des connaissances sur le sujet et exploré un grand nombre d’hypothèses,indique Olivier Merckel, chargé des nouvelles technologies à l’Anses. Nous avons aussi montré les limites de certaines études et c’est pourquoi, même si aucun lien de causalité ne peut être aujourd’hui identifié, la possibilité d’effets des champs électromagnétiques expliquant les symptômes décrits reste ouverte. »
« Cet avis constitue une vraie avancée pour la prise en considération d’une pathologie émergente qui provoque beaucoup d’incompréhension et de souffrance, dans la vie professionnelle, sociale et personnelle des patients, se félicite Sophie Pelletier, présidente de l’ONG Priartem (Pour rassembler, informer et agir sur les risques liés aux technologies électromagnétiques). Ses préconisations en termes de recherche et de prise en charge vont dans le bon sens. Reste maintenant aux pouvoirs publics, au corps médical et aux institutions à s’en saisir. »
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