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mardi 3 avril 2018

États généraux de la bioéthique : encore un mois pour rendre la consultation véritablement citoyenne

Coline Garré
| 04.04.2018



Le bilan des États généraux de la bioéthique* est « globalement satisfaisant » ; mais « profitons du mois d'avril pour aller encore plus loin dans l'exercice de démocratie participative, sanitaire », tel est le message que le Pr Jean-François Delfraissy, président du comité consultatif national d'éthique (CCNE), fait passer, à mi-parcours de la consultation citoyenne. Initiée mi-février, celle-ci se termine le 30 avril.

 75 000 visiteurs uniques
En quelques chiffres, c'est 75 000 visiteurs uniques sur le site internet, dont un sur quatre s'inscrit, un sur huit participe : 9 700 participants ont ainsi déposé 24 000 arguments. Les espaces éthiques régionaux ont organisé plus de 180 événements (comme à Marseille) ; 80 restent à venir, soit à terme, plus 20 000 participants. Par ailleurs, 114 auditions d'associations (71), de sociétés savantes (36) et d'institutions (7) ont été menées par des membres du CCNE. Et le comité citoyen, 22 membres représentatifs de la société française, travaille à l'écart de l'espace médiatique à l'élaboration d'un avis critique sur les États généraux eux-mêmes, et de deux avis sur des thèmes qu'il a choisis : fin de vie et suicide assisté, et génomique en population générale.
Prendre le pouls de la société
Pour rappel, le CCNE a choisi de multiplier tous les outils pour tenter de prendre le pouls de la société sur les 9 sujets qu'il soumet à la réflexion collective**. « Nous considérons que ce que l'on appelle le "grand public" (on s'interroge toujours sur ce que c'est) a une expertise profane pour aborder des questions de natures éthiques », dit le Pr Régis Aubry, membre du CCNE et spécialiste de la fin de vie. 
Deux thèmes ont la faveur de l'attention publique : l'assistance médicale et la procréation (AMP) et la fin de vie. Mais un troisième est apparu : la place du patient dans le système de soin. « Les citoyens nous montrent que le système de santé n'est pas/plus adapté aux enjeux modernes issus des progrès techniques », explicite le Pr Aubry. « Ils s'interrogent sur l'arrivée de nouvelles technologies, l'intelligence artificielle, la place du patient, le consentement éclairé, l'individualisation des données, l'arrivée de la génomique », liste le Pr Delfraissy. 
Les médecins auditionnés, en particulier à travers les sociétés savantes, ont fait remonter des demandes précises sur des points juridiques, pour lever des ambiguïtés sur leur cadre d'exercice, a précisé Carine Camby, conseiller maître à la Cour des comptes, déléguée générale de la cité internationale universitaire de Paris, et membre du CCNE.
Remettre à leur place les extrêmes, et sortir de l'ombre les sujets oubliés
Le CCNE ne nie pas la mobilisation des militants lors des débats régionaux, qui tend à gommer la pluralité des avis et fait peser une menace sur l'exercice même de la démocratie participative. « Les associations ont une longueur d'avance sur le citoyen lambda : elles ont réfléchi et sont organisées, alors qu'il est plus difficile pour un individu isolé d'émettre ses doutes », sans compter le temps nécessaire à la compréhension des sujets, explique Carine Camby. 
Selon Régis Aubry, une dizaine (sur 180) de débats a connu une « embolisation » idéologique  ; la modalité ne joue pas pour rien : il s'agissait de réunions brassant un public nombreux, « où il est facile de se répandre et de répéter les mêmes arguments ». « Lorsque le public est limité, il est plus facile de repérer qu'un même argument est inscrit plusieurs fois et ainsi, de le compter comme un, et éviter toute stérilisation voire interdiction du débat », note-t-il.
Le CCNE n'est pas dupe et présente sa parade. « Il y a un effet de compensation entre les outils »utilisés pour recueillir l'avis des citoyens, assure le Pr Delfraissy. Le rapport de synthèse reprendra sur chaque thématique, les arguments, et non seulement les opinions pour ou contre. Enfin, des enseignements seront tirés pour améliorer l'expression de la parole citoyenne, qui pourraient nourrir les futurs États généraux dans sept ans.
Un rapport sur l'IA début juin
Autre enjeu : ne pas laisser dans l'ombre certains sujets délaissés par les régions ou les citoyens eux-mêmes, comme les neurosciences - alors que c'est une troisième révolution après la génomique et l'IA, commente le Pr Delfraissy - et la santé environnement, nouveauté de ces EGB. 
Des scientifiques et des comités d'éthique institutionnels se réuniront début mai pour réfléchir sur les neurosciences, la génomique, et la recherche sur l'embryon et les cellules-souches. Par ailleurs, un groupe de travail interne au CCNE vient de débuter un travail « de débrouillage » sur l'IA et santé, dont le rapport est attendu pour début juin. 
Enfin, la date de remise du rapport de synthèse du CCNE (distinct de son avis ultérieur) à l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPESCT) et aux ministres de la Santé et de la Recherche, est fixée au 4 juin. Avant une réunion nationale de clôture de ce temps citoyen (préalable au politique) début juillet, en présence, espère le comité, du président Macron. 
*tout le programme sur etatsgenerauxdelabioethique.fr
** AMP, fin de vie, cellules-souches et recherche sur l'embryon, génétique et génomique, dons et transplantation d'organes, neurosciences, données de santé, intelligence artificielle, santé et environnement. 

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