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vendredi 6 avril 2018

A Niort, un centre pour autistes « focalisé sur la personne, plus que sur le handicap »

Le centre expertise autisme adultes de l’hôpital de Niort a mis au point un guide d’accompagnement environnemental.

LE MONDE  | Par 

Ce vendredi 30 mars, l’équipe du centre d’expertisme d’autisme adultes (CEAA) de l’hôpital de Niort (Deux-Sèvres) est préoccupée. La veille, un agent a été agressé par un jeune adulte atteint d’autisme. Le matin même, après la toilette, il avait le regard inquiet, sans raison apparente. Mais apparemment rien de plus. Il est donc placé dans un espace d’apaisement. Un peu plus tard, il retourne dans une zone de vie plus vaste, visiblement apaisé. On entend ses cris et ses rires qui n’en sont peut-être pas. La fenêtre est masquée pour éviter toute source d’excitabilité.
« Les patients accueillis ici sont souvent des cas complexes, avec des troubles envahissants du développement, des situations parfois extrêmement compliquées, comme des auto-mutilations qui peuvent remettre en cause le pronostic vital, des fonctionnements itératifs ou de l’agressivité », explique le psychiatre Dominique Fiard, responsable de cet établissement et qui a coprésidé le groupe de travail de la Haute Autorité de santé sur les recommandations de bonnes pratiques pour l’adulte autiste, rendues publiques en février. Ces situations peuvent affecter profondément la famille, les structures… qui demandent des soutiens. Le centre peut accueillir une douzaine de patients, pour des séjours plus ou moins longs ou en hôpital de jour.


Pour comprendre ce qui a déclenché l’agression, cinq personnes de l’équipe (psychiatre, psychologue, médecin, aide-soignant, aide médico-psychologique) essaient de remonter le film de cet épisode, car manifestement les prémices n’ont pas été perçues. « Cela peut être un problème somatique, ou autre chose. Une chose est sûre, la seule compétence de la psychiatrie ne suffit pas », reconnaît sans prétention Dominique Fiard. Une fois passé l’événement, l’objectif principal est de faire diminuer le seuil de surexcitation et de rétablir la communication. Il faut coûte que coûte rétablir la relation avec le patient. La musique, le sport peuvent aider. Ici, le personnel (une quarantaine de personnes) est suffisamment formé pour réagir à ce type d’incident.

Rien n’est laissé au hasard


C’est la méthode de ce centre, une approche humaine, philosophique : « Améliorer la prise en charge en se focalisant sur l’amélioration de l’environnement, en renforçant le pouvoir de ceux qui accompagnent au quotidien », résume le docteur Fiard. « Face à un patient “en manque de...” (langage, autonomie, compétences…), le regard est porté prioritairement sur son environnement. » De ce constat est né un guide d’accompagnement environnemental, un outil pour connaître et évaluer le patient, destiné aux équipes de soin. « On n’est pas focalisés sur l’autisme mais sur la personne, qui a souvent une trajectoire de vie compliquée », souligne Mélissa Godreau, neuro-psychologue au CEAA.

Ce centre est un peu le bébé de Dominique Fiard. En 2003, alors responsable d’une unité psychiatrique, il prend la responsabilité de cet établissement pour adultes. A l’époque, le manque de structures pour adultes est criant. La direction de l’hôpital soutient la démarche. Totalement repensé au niveau architectural, cet espace de plain-pied de 1 500 m2comprend aussi un patio avec des plantes aromatiques, un espace balnéothérapie, une salle de psychomotricité avec un professeur de sport adapté. Rien n’est laissé au hasard : la couleur des espaces (teintes pastel), la circulation des personnes entre patients et soignants. Le but : éviter toute « sur-stimulation » visuelle, sonore… Les extincteurs ont été placés en hauteur pour que les patients ne puissent pas se blesser. Les grilles d’aération sont régulièrement changées. Certains patients les utilisent comme instrument de percussion ou les cassent.

Avec le manque de structures pour adultes, les familles doivent attendre des mois pour une évaluation





A côté d’un centre de soins, le CEAA est aussi un centre expert. Qui donne des avis. Une centaine de dossiers sont traités chaque année. Les patients viennent parfois de loin, pour des situations complexes ou des évaluations. Ici, pas de limite d’âge, pas d’a priori. Le CEAA est submergé de demandes, de toute la France, mais avec le manque de structures pour adultes, les familles doivent attendre des mois

La connaissance du patient passe par le bilan somatique, jugé fondamental. Or, pour certains patients, le moindre changement est un obstacle. Un examen clinique peut alors être vu comme insurmontable. « L’enjeu est de ne pas passer à côté de quelque chose. La visite est préparée bien en amont pour s’adapter à chaque patient et proposer ce qui lui convient le mieux », explique le docteur Stéphane Mouton.

Un accueil adapté à chaque patient


Face à ces difficultés, l’équipe a créé début 2017 une structure, HandiSanté, qui jouxte l’hôpital de Niort, pour les examens plus « classiques », un bilan ORL, ou plus complexes, un électrocardiogramme… afin de réaliser des consultations et examens médicaux pour ce type de public. Elle a déjà accueilli plus de 200 patients et effectué plus de 600 consultations.

Sans cette structure, Sophie Pignon, la maman de Jean-Baptiste, un enfant autiste de 6 ans et demi, le dit avec franchise : « J’aurais peut-être laissé tomber pour ses lunettes. » Jusqu’ici, les visites chez les ophtalmologistes, ou tout autre rendez-vous chez un médecin en ville étaient « très compliquées », car « mon fils bouge beaucoup, l’attente est quasi impossible, il peut crier », explique Sophie Pignon. « A HandiSanté, on arrive bien avant le rendez-vous, un soignant vous suit constamment », l’attente se fait dans des espaces adaptés, une chambre individuelle.

« On adapte l’accueil de chaque patient, en fonction des informations recueillies en amont », confirme Loëticia Padioleau, infirmière à HandiSanté. Des objets de transition permettent d’apaiser les tensions. Il faut faire preuve d’imagination. Lors d’un soin dentaire, un morceau de Beethoven a ainsi apaisé l’énorme appréhension d’un patient. Cela peut prendre du temps. Grâce à cette structure, Jean-Baptiste a pu avoir de nouvelles lunettes adaptées à sa vue.

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