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samedi 31 mars 2018

Sur la fin de vie, les règles sont « trop restrictives et dissuasives »

Véronique Fournier, à la tête du Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie, alerte sur l’application de la loi Claeys-Leonetti.

LE MONDE  | Par 

Deux ans après l’entrée en vigueur de la loi Claeys-Leonetti, la question de la fin de vie s’est invitée au programme des états généraux de la bioéthique. En arrière-plan, une question : le texte a-t-il permis d’améliorer la façon dont on meurt en France ? Alors qu’un premier bilan doit être publié en avril, Véronique Fournier, la présidente du Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie (CNSPFV), créé début 2016, assure au Monde que certains professionnels de santé osent paradoxalement moins recourir à la sédation profonde et continue jusqu’au décès (une forme d’anesthésie sans réveil) chez les malades en phase terminale qu’avant la loi qui la met en place.
« J’étais la première à penser que cette loi allait améliorer les choses et permettrait de faciliter l’accès au soulagement de la souffrance. Je l’avais comprise comme une loi “zéro souffrance”. Or je m’aperçois que ça coince sur le terrain. Pour être sûrs de ne pas transgresser la loi, les médecins vont moins loin qu’avant », explique Mme Fournier, dont la nomination en 2016 avait suscité des inquiétudes chez une partie des professionnels des soins palliatifs, en raison de ses prises de position en faveur d’une « euthanasie palliative ».


Elle dénonce les règles d’application de la loi « beaucoup trop restrictives et dissuasives » publiées le 15 mars par la Haute Autorité de santé (HAS). « Il semblerait que ce soit l’aile conservatrice des soins palliatifs qui ait dicté ces recommandations », juge celle qui dirige également le Centre d’éthique clinique de l’hôpital Cochin à Paris.

« Une course d’obstacles »


La HAS explicite notamment ce qu’est un pronostic vital « engagé à court terme », l’un des critères nécessaires pour bénéficier d’une sédation profonde : cela correspond à « quelques heures » ou « quelques jours », pas au-delà. Pour Véronique Fournier, cette précision « exclut » des patients comme Anne Bert, cette femme atteinte de la maladie de Charcot qui avait médiatisé sa future euthanasie en Belgique.

Selon Mme Fournier, elle aurait dû pouvoir obtenir une sédation profonde et continue alors même qu’elle n’était pas à quelques heures ou jours de son décès : « Aujourd’hui, les malades atteints de maladies neurodégénératives ont beaucoup de mal à obtenir des sédations profondes et continues à l’heure où ils estiment eux que leurs souffrances sont devenues insupportables et alors que l’on peut difficilement contester qu’ils sont en fin de vie. J’ai beaucoup de remontées en ce sens. »

La HAS précise aussi que la demande du patient doit être faite « au cours d’entretiens répétés ». La présidente du CNSPFV voit dans cette règle « une course d’obstacles » pour le patient, désormais contraint de « justifier sa demande à plusieurs reprises devant des gens différents alors même qu’il se trouve à un stade ultime de sa maladie »« Il a le temps de mourir trois fois », juge-t-elle. Quant au médecin généraliste n’exerçant pas dans une unité de soins palliatifs, « il sera dissuadé de recourir à une procédure aussi lourde et quasi impossible à appliquer en ville ». Conséquence : « il y aura encore moins de gens soulagés ».

« Beaucoup de patients la réclament »


Pour elle, les médecins doivent pouvoir s’approprier cette pratique de la sédation en fin de vie « car beaucoup de patients la réclament », y compris en Belgique ou en Suisse, qui autorisent l’euthanasie ou le suicide assisté. « Ce sont des demandes différentes, assure-t-elle. Si la loi française décidait d’aller plus loin, cela ne changerait probablement rien à cette demande particulière de sédation en fin de vie, dont on sait que, dans tous les pays qui la mesurent, elle accompagne entre 15 % et 20 % des décès. »

A la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs, on estime que les recommandations de la HAS « ne sont ni restrictives ni trop larges »« Elles donnent une assise à la loi en fixant des critères précis, se félicite Anne de la Tour, sa présidente, en rappelant que ces sédations « de dernier recours » ne sont « pas à banaliser » et qu’elles ne répondent pas à « ceux qui veulent mourir, mais à ceux qui vont mourir ».

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