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mardi 27 mars 2018

La maternelle, nouveau cas d’école

Par Marie Piquemal — 
Les Atsem partagent des tâches avec les instituteurs, comme les pauses pipi, la sieste, les câlins ou la cantine.
Les Atsem partagent des tâches avec les instituteurs, comme les pauses pipi, la sieste, les câlins ou la cantine. Photo Denis Allard. Réa


Après la grande réforme du lycée, les premières assises consacrées à la scolarité des tout-petits s’ouvrent ce mardi à Paris. Au cœur des réflexions, les fameuses Atsem qui, aux côtés des enseignants, sont le fil conducteur des enfants. Quelle vraie place leur donner ?

Elle n’en revient pas. «Vous imaginez ? Nous sommes invitées à participer aux assises de la maternelle ! C’est quelque chose d’extraordinaire pour nous.»Virginie Jouanny a la patate. Elle s’exprime au nom du collectif des agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (Atsem) qui aident les enseignants. Pour la première fois, les Atsem ont le sentiment que leur travail va être reconnu à sa juste valeur. Dans le même temps, les représentants d’enseignants et de parents d’élèves regrettent dans une lettre ouverte au ministre de ne pas avoir été associés en amont à ces assises.
Les Atsem - à 99 % des femmes - sont entre 50 000 et 60 000, présentes dans une partie des classes de maternelle… en fonction de l’état des finances des municipalités. Elles ne dépendent pas de l’Education nationale mais sont employées par les communes. «Il y a d’énormes écarts entre nous, dans ce que l’on nous demande de faire au quotidien. Et dans nos salaires. Nous sommes des agents territoriaux de catégorie C, recrutés sur concours après un CAP petite enfance. D’une ville à l’autre, il y a parfois 200 euros d’écart»,explique Virginie Jouanny, douze ans d’expérience dans les pattes et 1 500 euros dans la poche à la fin du mois. Elle raconte surtout les différences de considération d’une mairie à l’autre. «Parfois, on nous résume à des madames pipi qui font le ménage de la classe, alors qu’en réalité on fait bien plus que cela. Et surtout, notre statut est tellement flou et malléable que cela part parfois dans tous les sens.» Elle transfère ce SMS, envoyé par une copine au bout du rouleau : «Ils viennent de me donner la bibliothèque de l’école à gérer : 3 000 livres à étiqueter pendant la récréation…» Parfois, les mairies leur collent des tâches pendant les vacances scolaires, sans rapport avec l’école. En vrac : ouvrir et fermer le cimetière, tenir la caisse à l’entrée de la piscine municipale, repeindre les bancs… Les exemples pleuvent depuis qu’elles se sont rassemblées en collectif.

«Casquette d’animatrice»

C’était il y a une paire d’années, au moment de la mise en place de la réforme des rythmes scolaires. «Evidemment, les communes se sont appuyées sur nous pour organiser les activités périscolaires. On a maintenant la casquette d’animatrice, en plus de tout le reste», déplore Sylvie Ravard, qui officie dans une maternelle de Pontoise (Oise). A l’époque, elle ouvre un groupe de discussion sur Facebook pour «savoir comment ça se passe dans les autres écoles». Aujourd’hui, elles sont 11 000 dans le collectif qui se sent pousser des ailes. «Il fallait qu’on se prenne en main pour défendre notre statut.» Des membres ont été reçues par le cabinet du ministre de l’Education nationale, Jean-Michel Blanquer (même si elles sont sous la tutelle du ministre des Collectivités territoriales). Ce qu’elles aimeraient surtout, c’est une meilleure définition de leurs missions, pour éviter de servir à tout et n’importe quoi. «On a un vrai rôle dans la classe, complémentaire avec celui de l’enseignant. Préparer les ateliers peinture, trier les feutres, s’occuper des petits pendant que la maîtresse est avec les moyens quand il y a des doubles niveaux, comme ici»,énumère Betty Champredonde, 34 ans. Elle travaille dans une école maternelle de Seine-et-Marne appartenant à la Fondation des apprentis d’Auteuil. Comme l’établissement est privé, elle est employée par la fondation et pas par la mairie, mais le travail reste le même.

Langage codé

 On l’a suivie le temps d’une demi-journée : collage, surveillance de la récré, pauses pipi, cantine, sieste, ménage et «petits câlins, car on a aussi ce rôle de cocooning. On materne». Le partage des tâches avec l’enseignante semble bien rouler. En classe, elles donnent l’impression d’avoir un langage codé, elles se comprennent juste avec les yeux. «C’est très important qu’il y ait une cohérence entre l’Atsem et l’enseignant, que les enfants le ressentent, sinon ça foire», affirme la maîtresse de la classe d’à côté.

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Ce qui saute aux yeux, surtout, c’est de voir combien l’Atsem sert de «fil conducteur» aux enfants. C’est le seul adulte de l’école qui les suit d’un bout à l’autre de la journée, parfois saucissonnée quand viennent se greffer les activités périscolaires. Un décret publié début mars a déjà modifié leur statut, précisant notamment qu’elles font partie de «la communauté éducative». Lors de ces assises, le ministre pourrait faire d’autres annonces pour améliorer leur formation. Une avancée pour la secrétaire générale du syndicat majoritaire (SnuiPP), Francette Popineau, qui reste malgré tout prudente à l’égard de Blanquer : «Il n’est pas évident de cerner ses vraies intentions. Si c’est reconnaître et revaloriser le rôle éducatif des Atsem, c’est une très bonne chose. Leur travail est important dans les classes. Là où on tique, c’est quand on parle de leur "rôle pédagogique".» Elle craint que l’idée, à terme, soit de dire : «Plus besoin d’enseignants devant les élèves à certains moments, l’Atsem fera l’affaire.»

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