La « boîte à bébé », véritable trousseau envoyé aux futurs parents, fête ses 80 ans. Ce symbole de la politique familiale du pays commence à s’exporter dans le monde.
LE MONDE | | Par Anne-Françoise Hivert (Malmö (Suède), correspondante régionale)
Cette année, la « baby box » finlandaise fête son 80e anniversaire. Et elle le fait en grande pompe. Mi-mars, l’agence finlandaise de la Sécurité sociale, Kela, a dévoilé le contenu de l’édition 2018 : huit bodys, quatre pantalons, autant de leggings, quatre combinaisons, des bonnets, un livre, un doudou… Au total, 63 articles, en plus de l’épaisse boîte en carton fleuri de 70 sur 43 centimètres, convertible en couffin.
En quatre-vingts ans, la Baby Box est devenue le symbole d’une politique active de la santé maternelle et infantile et d’un État-providence prenant soin de ses citoyens du berceau au cercueil. Environ 35 000 couples vont la recevoir au cours des douze prochains mois.
Sara Viljanen, 38 ans, juriste, se souvient du jour où elle est allée la chercher à La Poste, il y a neuf ans, quand elle était enceinte de son premier fils. « On est rentrés à la maison, avec mon mari, et on l’a ouverte. C’était très festif et symbolique. J’avais l’impression d’être intégrée à une longue chaîne de mères qui m’avaient précédée. C’était aussi comme si l’État me reconnaissait dans ce rôle. »
« Cela a permis de généraliser le suivi prénatal et contribué à faire chuter le taux de mortalité infantile en Finlande, aujourd’hui un des plus bas au monde. » Tuovi Hakulinen, de l’Institut national de la Santé
Avant elle, sa mère et sa grand-mère ont, elles aussi, reçu la Baby Box, dont le premier modèle a été distribué en 1938. À l’époque, elle était uniquement attribuée aux familles les plus défavorisées. La boîte contenait des étoffes, pour confectionner des vêtements de bébé, d’une valeur équivalente à un tiers du salaire mensuel d’un ouvrier. L’objectif est triple : réduire le taux de mortalité infantile, accroître la nativité et venir en aide aux familles dans le besoin. À partir de 1949, toutes les femmes y ont droit. « Le principe est que chaque enfant ait le même début dans la vie, peu importe son origine », explique Olga Gassen, chargée de la communication de Kela. Une condition est imposée : les femmes enceintes doivent subir un examen médical dans les quatre premiers mois de leur grossesse. « Cela a permis de généraliser le suivi prénatal et contribué à faire chuter le taux de mortalité infantile en Finlande, qui est aujourd’hui un des plus bas au monde », commente Tuovi Hakulinen, professeure à l’Institut national de la Santé. À l’époque, les jeunes parents sont encouragés à utiliser la boîte pour y coucher leur nouveau-né. Certains le font encore. Bien calé dans l’espace exigu, le bébé, allongé sur le dos, a peu de risque de se retourner sur le ventre, diminuant les cas de mort subite du nourrisson.
Si les jeunes parents ont le choix entre la boîte et un chèque de 140 € (170 € à partir du 1er juin), sa popularité ne faiblit pas. En moyenne, 95 % des couples qui attendent leur premier enfant optent pour la Baby Box. « Il y a un côté pratique, avec des objets auxquels on ne pense pas forcément quand c’est la première fois, comme les ciseaux à ongles ou la brosse pour bébé », explique Sara Viljanen.
Un kit qui évolue avec le temps
Pour composer le contenu de la boîte, Kela s’inspire des tendances de la société. En 1969, les couches jetables y sont intégrées. Elles sont remplacées quarante ans plus tard par les couches lavables, finalement retirées cette année : « On s’appuie sur les retours des parents et peu finalement semblaient les utiliser », précise Olga Gassen. En 2006, alors que de plus en plus de femmes allaitent, la crème anticrevasses pour mamelons y a fait son entrée.
Sa renommée a désormais largement dépassé les frontières de la Finlande, au point que plusieurs pays se mettent à en proposer des variantes : l’Écosse, depuis le début de l’année ; les États américains de l’Ohio, du New Jersey et de l’Alabama, à condition de suivre en ligne un cours sur le sommeil du bébé…
Surfant sur la vague, trois pères finlandais ont créé en 2014 une entreprise, baptisée « Finnish Baby Box », qui l’exporte à l’étranger en l’adaptant à chaque pays. Ce qui n’était au départ qu’un hobby est devenu une société, avec une quinzaine d’employés et des clients dans 84 pays. Son patron, Heikki Tiittanen, trois enfants, raconte avoir pris conscience réellement qu’il allait être père le jour où il a ouvert sa première boîte : « C’était comme si le bébé nous envoyait son carton de déménagement avant d’arriver ! »
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