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jeudi 29 mars 2018

Inflation des hospitalisations sans consentement en psychiatrie : le contrôleur général des prisons pointe des dérives

Coline Garré
| 28.03.2018


Une prise de conscience des abus en matière d'isolement et de contention, mais une traduction dans les actes qui tarde, tel est le constat que le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) porte sur la psychiatrie, dans son rapport d'activité pour l'année 2017, rendu public ce 28 mars.
  En 2017, le CGLPL a visité 30 établissements de santé habilités à recevoir des patients hospitalisés sans leur consentement – on note que les contrôleurs y ont passé plus de jours (179) qu'en prison (123). L'appropriation des règles encadrant le recours à l'isolement et à la contention, formalisées dans les recommandations de la Haute Autorité de santé en mars 2017, est insuffisante, lit-on. Les anomalies repérées : prescriptions « si besoin » préparées à l'avance, décisions de renouvellement de l'isolement prises à la hâte sans examen du patient, recherche insuffisante a priori d'alternatives à l'isolement, chambres d'isolement non conformes, ou isolement en chambre originaire, parfois absence de tout protocole, et mauvais renseignement des registres.
Par ailleurs, le CGLPL observe l'augmentation des hospitalisations sans consentement portée par un recours banalisé à la procédure pour péril imminent, déjà mise en évidence par une mission parlementaire l'an passé. Le rapport pointe des restrictions de liberté non justifiée par l'état de santé du patient : comme des « programmes de soin » si contraignants qu'ils masquent des hospitalisations complètes, ou l'accueil des patients en soins libres, dans des unités fermées. 
Autres dérives : la multiplication des interdits et autorisations (tabac, sexualité, accès à l'air libre, à une cabine téléphonique, etc.) « sans raison convaincante, le plus souvent pour des raisons de précaution ou d'organisation » et l'insuffisance de l'information des patients sur leurs droits (livrets d'accueil et règlements incomplets, par ex.). 
« Ce qui doit changer, c'est le regard porté sur le patient : ce dernier ne doit plus être considéré seulement comme un objet de soins, mais aussi comme une personne qui a des droits et dont il faut respecter les libertés sans autres restrictions que celles qu'impose son état de santé, y compris lorsqu'elle est hospitalisée sans son consentement », écrit Adeline Hazan en introduction. 
L'état des prisons s'aggrave
Sur la prison tout a été écrit : « Nommer des commissions, commander des rapports, réunir des experts ne sert à rien », cingle Adeline Hazan qui en appelle à « une véritable volonté politique ». Les autorités doivent cesser de croire que la construction de nouvelles places de prison est une réponse satisfaisante, instaurer un système de régulation carcérale, développer les alternatives à l'incarcération et dépénaliser certaines infractions.
La surpopulation, attentatoire à la dignité et à la santé des personnes, comme l'a montré l'alerte du CGLPL sur le sujet, reste un problème majeur, avec un taux de densité carcérale de 119 %, voire 141 % dans les maisons d'arrêt et 200 % dans celles d'Île-de-France. Elle a notamment pour conséquence « l'incapacité d'appliquer le principe d'égal accès aux soins pourtant inscrit dans la loi »,dénonce Adeline Hazan. De fait, des soignants pointaient une quadrature du cercle dans « le Quotidien », le 22 mars dernier. 
« Il n'y a plus d'alibi à la procrastination », répète la Contrôleure générale, qui s'inquiète en outre d'une hausse du nombre de mineurs détenus (de 775 en juin 2016 à 851 en juin 2017), et des placements de familles étrangères avec enfants (41 en 2013 à 305 en 2017) dans les centres de rétention.
In fine, le CGLPL fait le bilan de ses 10 ans d'activité, au cours desquels le contexte s'est durci, le sécuritaire empiétant sur les droits, la notion de dangerosité remplaçant peu à peu celle de culpabilité. « Le rôle de vigie des droits fondamentaux exercé par le Contrôle général est crucial et sa nécessité s'est encore renforcée », écrit Adeline Hazan. Certes les déceptions sont là. Mais « le CGLPL aura à tout le moins changé le regard de la société française sur ceux qu'elle enferme » et « voir progresser certains sujets encourage à poursuivre les efforts », conclut-elle. 

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