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vendredi 26 janvier 2018

Cannabis : « Tout ça pour ça ? », l'annonce de la double peine pour usage de stupéfiant rend morose les acteurs de l'addictologie





cannabis
Crédit Photo : S. Toubon

« Tout ça pour ça ? » La réaction désabusée du Pr Amine Benyamina (hôpital Paul-Brousse, AP-HP), président de la Fédération française d'addictologie (FFA), en dit long sur la déception des acteurs de l'addictologie face à la décision du gouvernement d'imposer une « double peine » à l'usage simple de stupéfiant. L'annonce a été faite jeudi matin par le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb au micro d’Europe 1 : « Nous allons forfaitiser ce délit. Mais, ensuite, il peut y avoir des poursuites. Il n'y a donc pas de dépénalisation du cannabis », a-t-il affirmé. En clair : une amende forfaitaire va s'ajouter aux peines déjà encourues par les consommateurs de stupéfiant : un an de prison maximum et 3 750 euros d'amende.

Cette décision fait suite au rapport d'information parlementaire d'Éric Poulliat (LREM, 6e circonscription de la Gironde) et Robin Reda (LR, 7e circonscription de l'Essonne). Ce rapport a été présenté hier en commission des lois de l'Assemblée nationale, mais des extraits avaient été communiqués dans la presse plus tôt dans la semaine, ce qui a occasionné un rappel à l'ordre et une sévère passe d'arme entre Robin Reda et la présidente de la commission des lois Yael Braun-Pivet. Deux solutions y étaient proposées : une « amende forfaitaire délictuelle »comprise entre 150 et 200 euros, assortie éventuellement de poursuites et une simple contravention.
Les rapporteurs en désaccord
Ces deux propositions symbolisent le désaccord entre les 2 rapporteurs. « La contraventionnalisation nous est apparue comme un bon moyen de libérer du temps de police à la lutte contre les trafics, affirme Eric Pouillat. L'amende forfaitaire doit concerner toutes les substances, sans distinction juridique selon le type de substance en cause [...] mais je suis favorable au maintien de la qualification délictuelle car elle conserve la gravité du comportement incriminé et permet de maintenir les capacités d'investigation de la police et d'orientation du consommateur vers un parcours de soins. »
Pour Robin Reda, la piste de la « contravention délictuelle » est « assez hasardeuse, de par sa complexité de mise en œuvre et son manque de recul. » Il propose, sur la base du rapport Marcangeli-Le Dain, de réfléchir à la mise en place d'une contravention forfaitaire de 4e ou 5e classe. Cette approche permettrait de « simplifier le travail de la police. » et de « réserver aux dealers qui sont dans le délit de revente et de trafic. Ce sont eux qu'il faut sanctionner [...] La peine de prison est un mantra qu'il est important de supprimer », argumente-t-il.
La contraventionnalisation simple, si elle ne faisait pas l'unanimité des acteurs du soin, était tout de même jugée préférable à la peine de prison assortie d'une amende. « C'est un rendez-vous manqué », regrette le Pr Benyamina. La FFA appelle l’exécutif à ouvrir un « véritable débat » et se positionne en faveur d'une légalisation encadrée. « Il existe des modèles parcellaires, comme en Espagne, des dispositifs dynamiques qui évoluent en fonction de l'identification des risques de dérive,poursuit le Pr Benyamina. On reste en France avec un modèle de prohibition qui met hors de portée les trafiquants et ne permet pas de s’occuper des jeunes consommateurs. »
Pour le président de la Fédération Addiction, Jean Pierre Couteron, Gérard Collomb est intervenu « comme un arbitre de football qui serait arrivé après l'action sans demander l'arbitrage vidéo : croire que la prohibition va combattre efficacement des trafics est digne du XIXsiècle. »
Une mission « mal comprise »
Pour Éric Pouillat, « notre mission devait répondre à une question très précise : comment améliorer la réponse pénale apportée à l'infraction d'usage des stupéfiants, et d'aborder un dispositif très concret d'amende pénale délictuelle. Elle n'avait ni pour objet de réformer la loi de 1970, ni de réfléchir à une éventuelle évolution de la législation sur les stupéfiants ou sur le cannabis. Cela n'a pas toujours été compris par nos interlocuteurs. »
En 2016, 140 000 interpellations pour usage simple ont eu lieu en France, dont 30 % sur des mineurs, soit une multiplication par 7 entre 1990 et 2010. Parmi les 68 000 alternatives à la poursuite pénale 68 % étaient de simples rappels à la loi dont. Ces chiffres sont à comparer aux 17 millions de Français ayant expérimenté le cannabis, dont 1,4 million d'usagers réguliers et 700 000 consommateurs quotidiens.

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