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vendredi 1 décembre 2017

A Nice, des cours pour apprendre à gérer le stress des examens

L’université de Nice organise depuis sept ans des ateliers pour aider les étudiants à se relaxer. Les facultés de Lorraine, Tours, Poitiers, Bordeaux s’y sont également mises.

LE MONDE  | Par 


SIMON LANDREIN


Deux petites heures de répit dans le tumulte d’une vie d’étudiants stressés. C’est un cours un peu particulier qui se tenait ce mercredi matin sur le campus ensoleillé de l’université de Nice-Sophia-Antipolis. Allongées sur des tapis de sol, sous des couvertures, dans une salle épurée et silencieuse où seul le bruit de la ventilation peut perturber leur relaxation, sept étudiantes écoutent, les yeux fermés, les mots de Sophie Bereny. « Imaginez maintenant que c’est le jour d’un examen important pour vous… Assis sur votre chaise, vous attendez que l’examinateur distribue les copies… Devant le sujet, tout ce que vous avez appris pendant l’année vous revient spontanément… ». La psychologue du service de santé universitaire les invite à visualiser la scène mentalement, presque en chuchotant. Troisième et dernière séance de cet atelier de « gestion du stress et relaxation ». Trois autres suivront, consacrées à la « gestion du stress à l’oral ».

Ces « cours », comme tout le monde les appelle ici (bien qu’ils soient facultatifs, sur la base du volontariat, et ne donnent lieu ni à une évaluation ni à l’attribution de points dans les études), sont proposés deux fois par an, à l’automne et au printemps, avant les examens. « Le stress et l’anxiété des étudiants sont l’un des principaux motifs de consultation d’aide psychologique dans notre service de médecine préventive », rappelle la psychologue et sophrologue pour expliquer la raison d’être de ces ateliers. « Notre société véhicule une idée de perfection et de réussite immédiate », analyse-t-elle, soulignant que certains étudiants vivent moins bien cette exhortation « à la réussite, tout de suite », qui atteint son apogée au moment des examens.

La situation des étudiants niçois n’a rien d’exceptionnel, comme le montrait encore, fin 2016, une étude de l’Observatoire de la vie étudiante (OVE), selon laquelle 49 % des étudiants et 69 % des étudiantes déclarent être stressés – des chiffres en hausse par rapport à la précédente étude de 2013. Plusieurs enquêtes de la mutuelle étudiante Smerep font aussi état de quelque six étudiants sur dix souffrant de troubles du sommeil dus au stress.

Face à ce constat, et à l’intérêt croissant porté au bien-être étudiant, les initiatives pour les aider à gérer ce stress fleurissent depuis quelques années en France. Les universités de LorraineToursPoitiers, Bordeaux s’y sont également mises.


Du « trou noir » à la page blanche


A Nice, ces ateliers gratuits existent depuis maintenant sept ans. L’objectif est d’apprendre aux étudiants à se relaxer, tout en leur donnant des outils pour gérer le stress qui les handicape au quotidien. « Quand je stresse pour un partiel ou un oral, je ne dors pas, je suis irritable, et sur le moment je deviens rouge, je transpire… », illustre, à la fin de la séance, Cléa, 20 ans, étudiante en troisième année de psychologie. « J’ai les mains moites, je ne trouve pas mes mots, parfois, je perds la mémoire, c’est le “trou noir” devant la copie », complète Justine, 18 ans, en licence 1 sciences du langage.

Santé, sciences humaines et sociales, sport, droit… toutes les filières de l’université sont concernées. Comme ce mercredi, ce sont plus souvent des étudiantes que des étudiants qui poussent la porte du service de santé universitaire : une histoire d’« image que renvoie la société aux hommes, qui rend plus difficile pour eux de se dévoiler, de parler de leur sentiment ou de leurs émotions », analyse Kim, 24 ans, en deuxième année de master de psychologie.

« L’idée est de les aider à mettre des mots sur ce qui les rend anxieux, à dédramatiser, sans banaliser leurs expériences de vie »







Or la discussion autour du stress des uns et des autres, son origine, occupe une bonne partie des ateliers. « L’idée est de les aider à mettre des mots sur ce qui les rend anxieux, à dédramatiser, sans banaliser leurs expériences de vie », explique Sophie Bereny. Mais aussi à casser l’isolement dans lequel ils se trouvent souvent.Bref, à sortir de l’idée qu’on leur renvoie régulièrement, selon laquelle il est « normal » de stresser… un peu. « On découvre ici qu’on n’est pas seul à en souffrir, qu’on n’est pas fou », sourit Justine. Des apports théoriques sur le fonctionnement du stress montrent aux étudiants que tout cela est aussi physiologique.

« Le cours m’a permis de prendre conscience de mon état de stress au moment même où il intervient, de le voir venir. Et, ainsi, d’utiliser les outils qu’on nous a présentés pour le faire retomber », commente Solène, 25 ans, en master 2 d’archéologie. Ces outils reposent avant tout sur des techniques de relaxation qu’elle vient d’utiliser aujourd’hui : écoute de sa respiration, visualisation d’image positive, exercices de « pleine conscience ». Cela peut aussi passer par l’acquisition d’un « geste signal » ; une technique de sophrologie permettant d’associer à un geste discret (avec la main par exemple) le déclenchement d’un sentiment positif, bien utile pendant les examens.


Un dispositif bientôt étendu ?


« Grâce au travail sur le corps et l’esprit, nous les invitons à revenir au présent, à être “ici et maintenant”. Car l’étudiant qui stresse le fait parce qu’il songe à la suite, à ce que peut impliquer la réussite ou l’échec, à ce que pense ou va penser le jury ou l’examinateur », explique Angélique Derambure, docteure en arts vivants, en charge des trois sessions de gestion du stress à l’oral. Au programme : d’autres exercices pour apprendre à utiliser l’espace lors d’une présentation orale, à avoir une bonne posture « pour ne pas dire avec son corps le contraire de ce qu’on essaie de dire avec sa voix », à regarder dans les yeux, à détendre son larynx « pour ne pas monter dans les aigus », à ménager à son interlocuteur des moments de silence, etc. Autant de conseils qui, regrette Cléa, « devraient être proposés plus tôt : dès le lycée ou le collège ».

Il est difficile de chiffrer la réussite ou l’efficacité de ces ateliers. « On ne peut pas quantifier le stress », rappelle Angélique Derambure. « Nous sommes ici pour soulager ceux qui le demandent, on ne cherche pas le rendement », complète sa collègue psychologue. Pour mesurer leur « efficacité », elles soulignent les dizaines de mails de remerciement d’étudiants qu’elles reçoivent après des examens réussis. Ou racontent cette ancienne promotion de l’atelier gestion du stress à l’oral qui a fini par dépasser ses peurs, se constituer en groupe de théâtre éphémère et se produire sur scène.

La demande croissante des personnels de l’université de bénéficier, eux aussi, de ces ateliers ne manque pas de les encourager. Assez pour qu’elles imaginent de proposer un jour l’extension du dispositif à l’ensemble de la Communauté d’universités et d’établissements (Comue) Université Côte d’Azur, dont est membre Nice-Sophia-Antipolis.

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