La France n’est pas le seul pays où les prescriptions d’antidépresseur augmentent régulièrement. C’est aussi le cas au Canada, au USA et au Royaume-Uni, où le nombre de boîtes d’antidépresseurs délivrées a augmenté de près de 7 % entre 2014 et 2015, plus que pour n’importe quelle autre classe thérapeutique. L’un des facteurs suspectés de contribuer à cette augmentation est la prescription hors AMM de certaines molécules, qui concernerait près d’un tiers des prescriptions en soins primaires.
Ces prescriptions hors AMM s’appuient-elles sur des preuves scientifiques ? C’est ce qu’a voulu clarifier une équipe canadienne. Les auteurs ont réalisé une étude descriptive des prescriptions effectuées en soins primaire par 174 praticiens utilisant des logiciels de prescription basés sur l’indication et exerçant dans (et autour) de 2 grands centres urbains du Québec. Les données concernent des consultations ayant eu lieu entre janvier 2003 et septembre 2015. Au total plus de 106 mille prescriptions d’antidépresseurs ont été faites, pour plus de 20 mille patients adultes.
Pas de preuve scientifique d’une efficacité dans plus de 40 % des cas
Il apparaît dans cette étude qu’environ un tiers des antidépresseurs prescrits le sont hors AMM. Par classes d’antidépresseurs, la plus forte prévalence de prescriptions hors AMM concerne les tricycliques (81,4 %), du fait notamment de prescriptions d’amitriptyline (93 %). L’utilisation la plus courante hors AMM concerne toutefois le trazodone (non commercialisé en France), prescrit ici dans les troubles du sommeil. Seulement 16 % des médicaments prescrits hors AMM le sont sur la base de preuves scientifiques solides. En revanche 40 % des prescriptions hors AMM se font sans preuve scientifique et alors qu’un autre médicament de la même classe possède cette preuve d’efficacité et aurait pu être proposé. Cela concerne principalement les prescriptions hors AMM des inhibiteurs de recapture de la sérotonine. Enfin, pour les 44 % des médicaments restants, il n’existe pas de preuve scientifique dans l’indication concernée ni pour la molécule prescrite, ni pour aucune autre de la même classe.
Cette enquête met en lumière le besoin urgent d’obtenir de nouvelles données sur le maniement des prescriptions des antidépresseurs, sur les bénéfices et les risques de leur utilisation hors AMM et d’en informer les praticiens.
Dr Roseline Péluchon
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