Patrice Huerre est pédopsychiatre, coauteur de La France adolescente (Lattès, 2013) et de La Prépa sans stress (Hachette Littératures, 2009), écrit avec son fils Thomas. Entretien à l’approche d’O21/s’orienter au 21e siècle à Paris, dont il sera l’un des invités, samedi 4 et dimanche 5 mars à la Cité des sciences et de l’industrie.
Comment le contexte de l’orientation des jeunes vers les études supérieures a-t-il changé ces vingt dernières années ?
Il y a certains éléments constants du côté des doutes et des questions liées à l’âge, mais aussi d’importants changements : l’avènement d’Internet, la mondialisation, la comparaison qui se fait de plus en plus entre les cursus d’un pays à l’autre, l’évolution des critères d’appréciation des qualités professionnelles… On constate aussi une accélération des mutations qui affectent le monde, dans tous les domaines, de l’industrie aux technologies, qui font que la capacité d’anticipation se réduit considérablement. On ne peut plus rester dans le calcul qui a longtemps prévalu : avec ces études-là je ferai ce métier-là, pour les trente années à venir.
De quelle façon cette période est-elle vécue par les jeunes et leurs familles ?
Pour les familles, elle est source d’angoisse de ne pas pouvoir établir de bases sûres pour l’avenir de leurs enfants, ce qui les conduit à s’appuyer sur les recettes du passé. Tandis que les jeunes sont ouverts aux réalités du monde d’aujourd’hui. J’ai souvenir d’un sondage (paru dans Le Monde) qui montrait, comme en miroir inversé, que 75 % des jeunes disaient se sentir bien et confiants pour leur avenir, alors que 75 % des parents voyaient leurs enfants malheureux et s’inquiétant pour leur futur…
Constatez-vous une différence selon le milieu social et le niveau scolaire ? Les bons élèves sont-ils préservés ?
Le niveau scolaire va bien sûr avoir un impact sur l’orientation. Et plus on cumule les handicaps, plus c’est difficile. Mais, par ailleurs, on constate une rupture dans le rapport à l’avenir, qui est devenu générationnel. L’enfant de cultivateur comme celui de notaire ne sait pas ce qu’il va faire, ni ce qui va se passer plus tard. Ils sont plus dans le présent, dans le « on verra bien ». Ils se soucient beaucoup moins de l’acquisition d’un diplôme passeport pour la vie que leurs parents, d’autant qu’ils bénéficient de témoignages, en direct et via les réseaux sociaux, de contemporains qui font leur chemin sans être passés par la case diplôme. Eux ont tendance à dédramatiser les choix d’orientation, tandis que face à eux, l’angoisse parentale a augmenté, faute de comprendre le nouveau mode d’emploi du monde.
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