La Conférence des présidents de commission médicale d'établissement de CH spécialisés en psychiatrie émet une série de propositions pour encadrer strictement le recours à l'isolement et à la contention de patients, des mesures qu'ils estiment devoir être "limitées au strict nécessaire".
Le recours à l'isolement et la contention des patients en psychiatrie sont actuellement au cœur de nombreux travaux qui mettent au jour la complexité éthique et déontologique de ces sujets sensibles, voire encore récemment largement tabous. Ces pratiques font en effet l'objet de recommandations et de démarches qualité dans le cadre de la certification des établissements de santé menée par la Haute Autorité de Santé (HAS), qui a récemment mis en place un groupe de travail dédié. Elles font également l'objet d'un rapport thématique annoncé pour la fin mai par le contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL). La Conférence nationale des présidents de commission médicale d'établissement (CME) de CH spécialisés (CHS) en psychiatrie a finalisé pour sa part ce 18 mai une série de propositions.
Jamais une réponse à un manque d'effectifs ou d'ordre disciplinaire
La conférence rappelle en préambule que "ces pratiques s'inscrivent dans un processus complexe justifié par l'état clinique du patient et comprenant de nombreux aspects : une décision, un accompagnement humain, une délivrance de soins et une surveillance professionnelle de proximité". Les pratiques d'isolement et de contention "ne sont pas à confondre mais, dans tous les cas, elles ne peuvent être considérées comme anodines et relever de la banalité de la pratique quotidienne". Elles ne peuvent ainsi "en aucun cas constituer une réponse à des questions d'ordre disciplinaire, d'effectifs soignants ou par convenance institutionnelle" et ne doivent "être limitées qu'au strict nécessaire". L'histoire de l'institution hospitalière a montré qu'aucun acteur du soin, quelques soient ses compétences et son expérience, n'est à l'abri de contre-attitudes négatives et de perte de maîtrise de soi dans sa pratique hospitalière, souligne la conférence. "Il s'agit donc d'un domaine qui exige une vigilance toute particulière d'un point de vue éthique médical et légal ainsi que de prendre la mesure de ce que toute privation ou restriction de liberté implique pour chacun, patient ou soignant", poursuivent les présidents de CME. Sur ces bases, la conférence considère en premier lieu que "l'isolement et la contention sont des mesures de protection du patient et éventuellement de son entourage de l'unité de soin". Leurs indications ne peuvent être portées que sur la base de la constatation de l'état clinique du patient, "dans une perspective d'apaisement et dans le respect de sa dignité et de son intimité". En second lieu, la décision est prise par "un praticien sénior qui s'assure du caractère dit "de dernier recours" de la mesure". Il retranscrit donc dans le dossier du patient les actions menées au préalable pour éviter cette mesure et est informé sans délai de sa mise en place. En cas de "nécessité entrant dans le cadre du rôle propre infirmier, le praticien sénior confirme s'il y a lieu la mesure dans l'heure qui suit sa mise en place à la suite d'un examen médical".
Des mesures motivées, consignées et limitées dans le temps
Troisième point, la décision d'isolement ou de contention ne peut être anticipée ou systématisée, notamment en raison de la situation administrative du patient (soins sans consentement, personne détenue, etc.). Autre point, cette décision fait l'objet d'une concertation avec l’équipe de soins et prend en compte notamment l'évaluation du bénéfice/risque. Dans la mesure du possible, les professionnels s'efforcent d'expliquer au patient pourquoi cette pratique ne peut pas être évitée et la personne de confiance en est informée dès que possible. Par ailleurs, la décision est individualisée, assortie le cas échéant d'une prescription médicamenteuse, motivée, inscrite dans le dossier du patient et horodatée. Sa durée, et le cas échéant le type de contention, y est précisée ainsi que l'absence de contre-indications somatiques. Un programme individualisé de surveillance "prévoit notamment un examen médical somatique dans les deux heures qui suivent le début de la mesure d'isolement, un minimum de deux examens médicaux quotidiens et une évaluation infirmière au minimum toutes les heures, et la possibilité pour le patient de solliciter un soignant si nécessaire". La conférence préconise que la contention soit décidée pour une période maximum de douze heures et l'isolement pour une période maximum de vingt-quatre heures. "Sauf impossibilité majeure motivée et retranscrite dans le dossier du patient, la mesure est interrompue par des sorties de la chambre d'isolement dans le service d'hospitalisation pour une courte durée", précise-t-elle. Sa reconduction nécessiterait "systématiquement un examen par un praticien sénior et les mêmes justifications qu'à l'origine de la mesure". Au terme de celle-ci, un entretien médical sur le vécu de la mesure serait organisé avec le patient, avec un compte rendu figurant au dossier médical.
Des remontées à l'échelle du CH, de la région puis au national
La conférence souligne par ailleurs que les mesures sont mises en œuvre "dans des espaces dédiés dont l'architecture a été conçue pour contribuer à la qualité des soins dans ce contexte particulier et par un personnel suffisamment expérimenté et formé". De plus, la disponibilité de sa chambre est assurée au patient à tout moment dès l'amélioration de son état clinique. Au niveau institutionnel, le début et la fin de toute mesure sont portées à la connaissance du praticien hospitalier d'astreinte, de l'interne et du cadre de garde, ainsi qu'au service de sécurité incendie de l'établissement. Les situations des patients "sont reprises lors des réunions institutionnelles de l'unité, au minimum de façon hebdomadaire", et sont portées à la connaissance du juge des libertés et de la détention (JLD) à chacun de ses passages dans l'établissement. La gestion de la disponibilité des chambres d'isolement engagera "la solidarité institutionnelle des responsables médicaux et administratifs des pôles". D'autre part, la CME devra faire de la réduction des pratiques de contention et d'isolement au strict minimum un volet spécifique de son projet médical. Sur la base du registre prévu par la loi, l'établissement devra établir annuellement en lien avec la CME et le département d'information médicale (Dim), un rapport rendant compte des pratiques, et la politique qu'il définit et met en œuvre pour en limiter le recours (évaluation des pratiques professionnelles, formations et recherches, etc..). Ce rapport sera transmis à la commission des usagers, au comité d'éthique et au conseil de surveillance pour avis, ainsi qu'à l'ARS. Ceci pour une analyse régionale de ces pratiques en lien avec les rapports de la commission départementale des pratiques psychiatriques (CDSP) "qui en est mensuellement informée". Enfin, la conférence rappelle son souhait de la mise en place d'un observatoirenational de ces pratiques, dont elle a déjà fait la demande au ministère.
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