L’indexation du budget des hôpitaux sur leur activité réelle cristallise le mécontentement des personnels hospitaliers, qui y voient une des origines de leur mal-être au travail ces dernières années. Dénonçant « l’idéologie dogmatique de l’hôpital entreprise », le candidat François Hollande avait promis, en 2012, de « redéfinir le mode de financement de l’hôpital » pour mieux tenir compte de sa « mission sociale ». C’est finalement à quelques mois de la fin du quinquennat, mercredi 25 mai, que l’ancien député PS Olivier Véran, mandaté par le ministère de la santé, dévoile ses premières propositions pour réformer la tarification à l’activité (T2A), le système de cotation des actes médicaux qui régit depuis les années 2000 le financement des hôpitaux.
Pas question pour l’ancien rapporteur du projet de « loi santé » de proposer une suppression de la T2A et un retour à la « dotation financière globale », que seule Marine Le Pen appelle désormais de ses vœux. Jugeant cependant que cet outil de cotation a été « dévoyé », Olivier Véran souhaite qu’il soit « transformé » et « modulé lorsque nécessaire ». « La T2A a certes pu produire des résultats positifs, mais a aussi fini par générer des effets pervers dans la durée », reconnaît-il. Politique du chiffre, course à la rentabilité, perte de temps à coder les actes au détriment des soins, risque de sélection des patients, concurrence entre les établissements… S’il est déjà largement connu, le constat dressé à l’issue des auditions menées par la commission Véran ces six derniers mois reste sévère.
Grief récurrent : les soignants seraient incités à faire davantage d’actes rémunérateurs afin que l’établissement touche davantage d’argent de l’Assurance-maladie. « La T2A nous pousse à choisir notre hôpital contre la “Sécu” », résume le professeur André Grimaldi, membre du Mouvement de défense de l’hôpital public et farouche contempteur de la tarification à l’activité.« Rien de fondamental n’a été fait depuis quatre ans sur le sujet, il n’y a eu aucun changement structurel », dit-il, déplorant qu’il n’y ait pas dans la majorité de « conviction forte pour s’opposer à l’idée que tout soit tarifé ». « On ne pouvait pas s’exonérer du jour au lendemain de la T2A telle qu’elle avait été construite, on est aujourd’hui entre deux eaux », fait valoir le député Gérard Sébaoun, membre de l’aile gauche du PS.
« Trouver des nouveaux outils »
Pour répondre aux critiques formulées par une partie des personnels hospitaliers, Olivier Véran propose qu’une partie du financement de certaines activités puisse être liée à la qualité des soins, sur la base notamment des évaluations faites par les personnels de santé et des patients eux-mêmes. Autre proposition : créer des forfaits de prise en charge pour financer des consultations par des médecins de différentes spécialités. « Aujourd’hui, les médecins sont freinés, il faut sortir des carcans et trouver des nouveaux outils », plaide l’ex-député PS, en regrettant le trop grand cloisonnement des financements de la médecine de ville et de l’hôpital. Il souhaite également que les hôpitaux qui mettraient en place des solutions alternatives pour les patients se rendant aux urgences, au fonctionnement coûteux, ne soient pas pénalisés financièrement par une baisse de leurs recettes.
La proposition de faire bénéficier d’une nouvelle « dotation modulée » les soins palliatifs ou les soins critiques (réanimation, soins intensifs) sera intégrée au projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) qui sera débattu à l’automne au Parlement, a d’ores et déjà annoncé Marisol Touraine mardi 24 mai, lors du discours d’inauguration du salon hospitalier Paris Healthcare Week. Annonçant également la mise en place d’un financement « sur mesure »pour près de 250 hôpitaux de proximité, par un mécanisme leur assurant une « garantie de revenu », quelle que soit leur activité, la ministre de la santé juge donc les engagements présidentiels dans ce domaine pleinement tenus. « Nous pourrons ainsi tourner vraiment la page du tout-T2A », a-t-elle déclaré aux Echos, mardi.
« Mme Touraine s’est bagarrée sur d’autres choses que sur la T2A, cette réforme n’a pas été sa priorité », tempère le chercheur Gérard de Pouvourville, titulaire de la chaire santé à l’Essec. Dans son rapport présenté mercredi, M. Véran annonce d’ailleurs qu’il fera au début de l’année 2017 de nouvelles propositions de réforme, plus structurelles, pour améliorer le financement de l’investissement, de l’innovation, de la recherche, des soins de santé mentale, de l’hospitalisation à domicile, etc.
« Je ne vois pas comment une réforme de grande ampleur de la T2A peut être abordée en fin de course du gouvernement », remarque Frédéric Valletoux, le président de la Fédération hospitalière de France (FHF), le lobby des hôpitaux publics, pour qui « l’engagement de remettre à plat le financement de l’hôpital engagé en début de mandat n’a pas été effectif ».Un calendrier qui permettra au prochain candidat socialiste à l’élection présidentielle de s’inspirer des réflexions de la commission Véran pour élaborer son programme.
Deux milliards pour les hôpitaux
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