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mardi 24 mai 2016

L'architecture hospitalière est appelée en renfort de l'amélioration de la qualité en psychiatrie

Un colloque "Architecture et psychiatrie" a permis à de nombreux directeurs d'hôpitaux, de psychiatres et soignants, ainsi qu'à des architectes et urbanistes d'échanger sur les enjeux qualitatifs des prises en charge dans les structures spécialisées. Ceci afin de répondre au mieux au défi du meilleur accueil possible dans un contexte contraint.
À l'occasion d'un colloque organisé par l'Association pour la promotion de l'assurance qualité en santé mentale (Apaqesm) et l'École nationale supérieure d'architecture Paris-Val de Seine, les professionnels de l'architecture et de la psychiatrie, ainsi que les usagers, ont échangé sur les réels progrès réalisés ces dernières années pour améliorer le confort des patients, malgré un contexte difficile pour la discipline. Avec parfois de vraies ambitions architecturales mais toujours des intentions affichées d'amélioration de qualité d'accueil et de vie. La présidente de l'Apaqesm, Viviane Kovess-Masfety, psychiatre et épidémiologiste, a évoqué en ouverture du colloque le contexte actuel de la psychiatrie ainsi que les évolutions réalisées depuis le précédent colloque organisé en 2001. Ce professeur à l'École des hautes études en santé publique (EHESP) a notamment retracé les grandes évolutions sur la durée du plan psychiatrie et santé mentale (PPSM) 2011-2015. 

Une offre de soins en évolution qui "interroge les murs"

Elle a signalé un changement de paradigme avec l'émergence du concept de "rétablissement" (recovery) psycho-social ou encore la volonté de développer l'accès au logement pour les personnes souffrant de troubles psychiques. Sur ce point, elle a rappelé que le PPSM prévoit une "large concertation transministérielle". Or celle-ci n'a "malheureusement jamais eu lieu". La présidente de l'Apaqesm a également évoqué, en matière d'ouverture vers la ville, le développement des conseils locaux de santé mentale (CLSM), la reconnaissance et la gestion du "handicap psychique", ainsi que la baisse du nombre de lits d'hospitalisation complète. Sur la période du plan, ce nombre est en effet passé de 133 lits pour 100 000 habitants de 20 ans et plus à 111 lits. Le nombre de places d'accueil familial thérapeutique, de centres de crise ou d'HAD a augmenté sur la période, a-t-elle souligné, contrairement aux places en appartement thérapeutique et centres de post-cure. "Cependant, ces dispositifs restent très limités et représentent seulement 12% des capacités de prise en charge à temps complet", a-t-elle poursuivi, signalant néanmoins une évolution positive des places d'hospitalisation de jour. Enfin, les structures ambulatoires de type CMP ou CATTP*, ou encore les ateliers thérapeutiques "semblent également avoir été développées sur la période du plan, indiquant un développement des alternatives à l'hospitalisation". Elle a ensuite cité l'un des principes du PPSM, selon lequel "les conditions matérielles d'accueil et de prise en charge en psychiatrie, comme dans les autres disciplines [...] doivent respecter la dignité des personnes".

Résoudre les "points noirs" inacceptables de l'hospitalisation  

À cet égard, Viviane Kovess-Masfety a souligné que l'architecture doit contribuer à faire disparaître les "conditions inacceptables" d'hospitalisation en psychiatrie qui peuvent perdurer dans certains hôpitaux. Elle signale que l'évaluation du plan 2005-2008 indiquait la mise en œuvre d'un programme d'investissement qui a concerné la psychiatrie adulte, la psychiatrie infanto-juvénile et les unités spécialisées. "Il a permis la planification de 351 opérations immobilières de rénovation et parmi les opérations programmées en 2008, 30% ayant débuté en 2010 restaient à terminer d'ici 2015", a-t-elle précisé. Le PPSM 2011-2015 pointe de plus qu'il "existe en France encore quelques points noirs qui doivent impérativement trouver une solution". Sans toutefois que ces points noirs ne soient ni identifiés spécifiquement, ni identifiables... Par ailleurs, du point de vue des patients et des familles, les conditions d'hospitalisation en psychiatrie seraient majoritairement "désuètes" et ne correspondraient pas à ce que l'on doit attendre d'un service hospitalier. En effet, "souvent, dans l'attente de changements structurels importants, la rénovation de l'existant n'est pas prioritaire", a-t-elle expliqué. Et même lorsqu'il s'agit de nouveaux projets, "les standards des établissements psychiatriques peuvent être inférieurs à ceux des hôpitaux généraux", avec par exemple des exigences moindres sur le nombre de chambres individuelles par rapport à l'offre globale de lits. La présidente de l'Apaqesm a ensuite évoqué le rôle de la Haute Autorité de santé (HAS), qui évalue tous les établissements lors de visites sur site.

Mettre en place un système de signalement public avec modération

Viviane Kovess-Masfety a expliqué que la HAS admet cependant que les visites ne permettent pas d'évaluer toutes les problématiques afférentes aux établissements psychiatriques et que les experts-visiteurs sont surtout axés sur la sécurité des soins. Et peu d'établissements spécialisés ont eu une recommandation sur le critère du respect de la dignité, qui se révèle de factotrès rare. "L'évaluation du plan a de ce point de vue produit une recommandation spécifique, à savoir de "supprimer les conditions inacceptables d'accueil dans certains lieux de soins", que ce soit en hospitalisation complète ou en ambulatoire", a-t-elle poursuivi. Cette recommandation propose d'ajouter dans les visites de certification une visite systématique des lieux de soins qui n'ont pas fait l'objet de travaux de rénovation récents et de mettre en place un système de signalement ouvert au public avec modérateur. Ceci afin que toutes les personnes qui constatent qu'un lieu est "indigne" puissent en faire état et faire remonter l'information. En conclusion, la présidente de l'Apaqesm a appuyé — ce qui a été le fil rouge de tout le colloque — que "l'architecture est convoquée par de nombreux aspects de la problématique des soins des personnes vivant avec des troubles mentaux". Ceci, toutefois, avec un cahier des charges contraint. Mais l'architecture est dès lors interpellée, que ce soit dans "sa conception de l'humain, de ses troubles, dans l'appréhension des besoins spécifiques d'intimité et de vie sociale tout à la fois" et dans l'imagination et le soin mis à concevoir des lieux tout à la fois sécurisants et agréables à voir et à vivre, au quotidien, pour patients et soignants. 
Caroline Cordier
* Centre médico-psychologique (CMP), centre d’accueil thérapeutique à temps partiel (CATTP).
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