Remplacé mi-février par David Gruson comme délégué général de la FHF, Gérard Vincent était invité ce 21 mars à porter un regard prospectif sur l'évolution du système de santé. Face aux fermetures de lits de médecine et au fossé grandissant entre secteurs sanitaire et médico-social, il pressent une "catastrophe sanitaire" sous dix à quinze ans.
Après quarante-six ans passés en responsabilités hospitalières, l'ancien délégué général de la FHF, Gérard Vincent, qui a laissé sa place cet hiver à David Gruson* (lire ci-contre), a livré ce 21 mars son regard sur le système de santé. Invité par la FHF Île-de-France à l'Institut national de jeunes sourds de Paris (5e arrondissement), il s'est inquiété du "fossé grandissant" entre sanitaire et médico-social. Malgré les promesses de décloisonnement affichées par la loi HPST, "je ne le vois pas se réduire mais au contraire s'agrandir". Et si l'on touche au handicap, le constat paraît encore plus "dramatique", à entendre le nouveau retraité : "Le retard de la France est considérable, on a failli à notre mission". Sans compter que les nombreuses fermetures de lits de médecine sur l'autel du plan triennal d'économies ne sont pas pour le rassurer.
La "vague déferlante" des personnes âgées
Car si cette diminution de voilure est compréhensible en chirurgie, "le problème n'est pas le même" en médecine. "La vague déferlante des personnes âgées va poser des problèmes sanitaires considérables !, prédit l'ancien dirigeant de la FHF mais aussi ancien inspecteur général des affaires sociales ou encore ancien directeur des hôpitaux (lire l'encadré). Je ne peux pas croire qu'on arrivera à les prendre en charge si on supprime les structures de proximité. Le risque est grave. On est en train de construire une catastrophe sanitaire dans les dix à quinze ans qui viennent !" Que faire ? "Honnêtement, je ne sais pas", confie Gérard Vincent, avouant son "impuissance". "Je suis malheureux mais je ne peux pas répondre..." Et de pointer des barrières liées à la culture, à la civilisation... "C'est dans nos têtes". La solution HAD ? Certes, elle reste à développer, indique l'hospitalier, notamment à l'hôpital public qui est très en retard. Mais sitôt d'avertir : "Ça ne règlera pas tout, surtout s'agissant des personnes âgées défavorisées. Elles seront hospitalisées même si c'est dans des structures inadaptées à leurs besoins."
Dans son travail de mémoire et de prospection, l'ancien responsable a par ailleurs rappelé tout l'intérêt d'une stratégie de groupe comme il a défendu la notion d'"hôpital entreprise". D'ailleurs, ça ne l'embêterait pas, comme il l'a confié, "que le service public hospitalier soit assuré non plus demain par l'hôpital public stricto sensu mais par le privé non lucratif". À l'écouter, la notion précitée et ce modèle d'hospitalisation ont tout pour converger. Enfin, Gérard Vincent est revenu sur l'évolution de la chirurgie, rappelant combien le modèle actuel de clinique ou hôpital MCO était voué à disparaître. D'où la nécessité de créer des centres de chirurgie ambulatoire autonomes en centre-ville. La pertinence des actes reste également "un champ pas assez labouré". En revanche, l'utilité sociale de l'hôpital, notamment de ses urgences, ne faiblira pas, pressent l'intéressé. Au contraire, il n'ira que croissant à moins que les ARS parviennent à jouer de leur pouvoir sur la médecine de ville.
FHF, Igas, ministère de la Santé, AP-HP...
Né le 20 mars 1948, Gérard Vincent assurait les fonctions de délégué général de la FHF depuis 1998, soit six mandats consécutifs. Directeur d'hôpital de formation et inspecteur général des affaires sociales sorti en 1970 de l'École nationale de la santé publique (ENSP, désormais École des hautes études en santé publique, EHESP), il a d'abord été assistant de direction à l'hôpital Bichat-Claude Bernard de l'Assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP, 1971-1972). Il devient ensuite trois ans durant directeur adjoint de l'hôpital Béclère (1974-1977) puis directeur de l'Hôtel-Dieu de 1977 à 1989. Il a également été directeur des hôpitaux (désormais DGOS) de 1989 à 1995 puis a intégré l'Igas avant de prendre les rênes de la FHF. Il a également présidé l'Institut national de jeunes sourds de Paris, la Fédération européenne des hôpitaux (Hope) et la Fédération internationale des hôpitaux (FIH).
* Jusqu'au 1er avril, date de son départ en retraite, Gérard Vincent reste conseiller du président de la FHF, Frédéric Valletoux.
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