Une première depuis mai 2012 et son arrivée au ministère de la Santé. Marisol Touraine s'est déplacée en personne ce 24 mars aux journées nationales de l'ADH, sans doute histoire de calmer le jeu sur la mise en œuvre des GHT. Aucune annonce toutefois dans son discours mais une profonde "reconnaissance" de l'engagement des directeurs d'hôpital.
Sa parole était attendue de longue date par les directeurs d'hôpital. En décidant de se rendre ce 24 mars en milieu d'après-midi aux 24es journées nationales de l'Association des directeurs d'hôpital (ADH), qui se tiennent durant deux jours à Paris, la ministre des Affaires sociales et de la Santé était attendue au tournant. D'autant que cette présence à la grand-messe annuelle de l'ADH est une première pour Marisol Touraine depuis sa prise de fonctions en mai 2012.
Et qu'elle survient dans un climat de fortes inquiétudes du corps quant aux conséquences humaines à venir de la création des groupements hospitaliers de territoire (GHT). Qu'a-t-elle donc annoncé de plus par rapport à ses propos tenus le 17 mars lors de l'installation du comité de suivi des GHT ? Il y a sept jours, c'était l'annonce d'un second texte en sus du décret GHT dédié à l'accompagnement des ressources humaines, mais aussi la promesse d'"une réflexion sur l'évolution des métiers" qui "pourra se traduire, le cas échéant, par des évolutions statutaires" (lire ci-contre). Rien de plus précis en soi ce 24 mars mais la ministre a tenu à témoigner en direct sa "reconnaissance" du dévouement et de l'engagement des directeurs."Votre mobilisation sera indispensable"
"Je sais pouvoir compter sur un corps de la fonction publique reconnu pour ses compétences et sa capacité à conduire des réformes majeures, a d'emblée salué Marisol Touraine. Vous exercez un métier dans des conditions et moments difficiles." Tensions sociétales, contraintes budgétaires (sur ce point, elle a assuré "mesurer l"ampleur du défi" financier que représente le dégel du point d'indice dans la fonction publique), problèmes d'attractivité de l'hôpital public... "Au moment de mettre en œuvre les groupements hospitaliers de territoire, je sais que vous avez des attentes qui sont très fortes en matière d'évolution de votre métier mais aussi en matière de reconnaissance." Or les éléments de satisfaction à porter au crédit des directeurs sont légions, a mis en avant la ministre : capacité à dialoguer avec l'ensemble de la communauté hospitalière, contribution aux "excellents" résultats 2015 de la Sécurité sociale... Et pour que les GHT fonctionnent correctement, "la mobilisation de l'ensemble des acteurs de la communauté hospitalière sera indispensable et au premier rang de tout votre mobilisation avec les cadres dirigeants et les responsables médicaux". L'engagement des directeurs sera à l'entendre "déterminant" aussi bien pour définir dans la concertation le projet médical partagé que le périmètre.
La formation à l'EHESP amenée à évoluer
Quant à l'impact sur le métier de directeur d'hôpital en tant que tel ? Marisol Touraine a reconnu que "la mise en place des GHT va faire évoluer [ce] métier". Mais aussitôt d'ajouter, s'agissant des inquiétudes qui remontent des directions : "J'entends que la mise en œuvre des GHT puisse conduire certains directeurs à s'interroger sur leur métier, leur poste ou leur carrière. C'est légitime et il faut apporter des réponses à ces interrogations". La dimension territoriale de la profession ? C'est "une nouveauté et un atout" et son "amplification" aboutira à des transformations professionnelles majeures, a insisté la ministre. Et cela prévaut aussi bien pour les chefs d'établissements que pour l'ensemble des directeurs adjoints "qui verront le cadre de leur exercice quotidien rénové". Par conséquent, "cela exige de nouvelles compétences, de nouvelles façons de travailler auxquelles les directeurs d'hôpital doivent être formés". Raison pour laquelle la formation à l'École des hautes études en santé publique (EHESP) sera amenée à évoluer, a clairement laissé entendre Marisol Touraine. Enfin, "au-delà de la formation, nous devrons aussi revoir à terme les profils de postes et les évolutions de carrière de chacun".
"On ne fera pas les GHT à la schlague !"
Un peu plus tôt en matinée, le président de l'ADH, Frédéric Boiron, a insisté dans son discours sur la nécessité de soutenir les équipes de direction en vue des GHT : "Sinon, cela stimule les inquiétudes", a-t-il une nouvelle fois mis en garde quelques jours après avoir déjà appelé à tenir compte "sans délai" de l'aspect humain et individuel des groupements. Par ailleurs, cette réforme implique de "laisser du temps", le dirigeant ne cachant pas avoir quelques doutes sur l'effectivité pour tous de la date butoir du 1er juillet, mais aussi de donner de la "clarté" sur son périmètre et "un très gros effort de simplification" réglementaire. In fine les GHT ne peuvent être "une énième version des préfectures sanitaires ni une baronnie dans laquelle on a désigné un grand manitou qui dirige les autres !, s'est exclamé Frédéric Boiron. On ne fera pas les GHT à la schlague mais sur le terrain selon une approche sociale, solidaire et démocratique du pilotage et de la gouvernance." Pas question donc que la réécriture en cours du projet de décret accouche d'un texte de 150 pages qui prévoit tout dans le détail. Il faut "une vision pragmatique". Tout en sachant que les changements qui s'annoncent s'avèrent pour le moins "intéressants". Et le dirigeant d'interpeller à ce titre directeurs et élèves : "Le territoire, c'est [votre] nouvelle frontière", les invitant à y projeter leur vision, leurs envies, leur action. En somme : "Osez le territoire !".
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